Dvořák par Hendelbrock : le Nouveau monde attendra
Jeudi 30 janvier 2025, une de ces froides soirées de l’hiver parisien. Une petite foule se pressait dans l’auditorium de la Maison de la Radio, venue écouter l’Orchestre National de France dirigé par Thomas Hengelbrock. On avait grand faim.
On commença avec un amuse-bouche, la Symphonie n°35, dite « Haffner », de Mozart (1783). Une piécette gentiment pompeuse, mais qui ce soir, devait souffrir d’un regrettable manque de relief et de contraste, ainsi que d’un phrasé mollasson. Une vingtaine de minutes sans extase, donc, même si l’on put se consoler avec le quatrième mouvement, « Presto ». Pour ceux qui dormaient, la scène dramatique Berenice, che fai ? d’Haydn (1795) eut le mérite de battre le rappel. Ève-Maud Hubeaux (mezzo-soprano) affirma d’entrée de jeu la richesse et la chaleur de son timbre, et aborda avec vigueur cette partition erratique et exigeante. Tout au plus pourra-t-on regretter l’insistance de son vibrato, ainsi que quelques graves peu assurés ; mais dans l’ensemble, le public apprécia la prouesse vocale – sans pour autant manquer de se demander comment ce morceau avait atterri là, ce soir, au beau milieu de ce programme.
L’entracte passé, on s’attaqua au gros morceau : la 9e de Dvořák. Disons-le franchement, l’affaire ne fut pas très convaincante. Le « Nouveau Monde » pâtit lui aussi d’une mollesse d’exécution, avec un Hengelbrock effacé, des tuttis parfois brouillons, des distorsions assez douteuses du tempo, et des tuilages entre pupitres peu homogènes. Résultat : un orchestre qui manque plusieurs des grands moments promis par cette symphonie, et ne parvient qu’à coudre artificiellement entre eux ses grands motifs. Comme pour le Mozart, l’entrain du dernier mouvement se révéla heureusement salvateur. Citons quand même, pour enfoncer le clou, un cor faiblard et des premiers violons décidément un peu trop portés sur le démanché. Bon point quand même pour le cor anglais qui fut au rendez-vous du deuxième mouvement. Bref, une soirée un tantinet frustrante.
Paris, Radio-France, 30 janvier 2025
Léon Luchart
Crédits photographiques : Mina Esfandiari