Éclectique programme vespéral par le chœur du prestigieux Magdalen College d’Oxford

par

Peace I leave with You. Music for the evening hour. Œuvres de Amy Beach (1867-1944), Henry Purcell (1659-1695), Roxanna Panufnik (1968*), Orlando Gibbons (1583-1625), Joanna Marsh (1970*), Christopher Tye (c1505-1573), Grayston Ives (1948*), John Sheppard (c1515-1558), Thomas Tallis (c1505-1585), Charles Villiers Stanford (1857-1924), Imogen Holst (1907-1984), Andrew Gant (1963*), Charles Wood (1866-1926), Piers Connor Kennedy (1991*), William Mundy (c1529-1591), John Tavener (1944-2013), Gustav Holst (1874-1934), Hubert Parry (1848-1918). Mark Williams, The Chor of Magdalen College, Oxford. Romain Bornes, orgue. Livret en anglais ; textes en langue originale, traduction en anglais. Juin 2022. 72’25’’. CORO COR16205

La notice du CD souligne combien, loin de décliner comme l’observance cultuelle, l’assistance du public aux services de vêpres ne cesse de progresser. Du moins en Grande-Bretagne, qui certes bénéficie de zones favorisées. À l’instar d’Oxford, proposant chaque fin de journée, sur quelques kilomètres carrés, jusqu’à une quinzaine de services d’evensongs. Le Magdalen College appartient à ces prestigieux lieux d’histoire, puisque la fondation de sa chapelle remonte à plus d’un demi-millénaire. Les amateurs de ce genre de florilèges discographiques pourront comparer l’évolution de la tradition interprétative dont témoignent certaines institutions, par exemple depuis les vinyles enregistrés dans la rivale Cambridge. Considérant des albums liés à liturgie, on se référera aux King’s College (sous la direction de Boris Ord en 1955, Argo, RG99) et au St John’s College (autour de l’Ascension, dirigé par George Guest en mai 1966, pour Argo également, ZRG511).

L’aspiration à la paix, à la sérénité, est une attente du public qui rejoint ces concerts du soir. En écho à ces motivations, le programme débute par Peace I leave with You d’Amy Beach, qui donne son titre à l’album. Conformément aux éclectiques collaborations de Mark Williams, nommé à la tête de l’ensemble en 2017, le parcours alterne répertoires ancien et moderne, depuis la Renaissance jusqu’aux présences contemporaines représentées par Roxanna Panufnik, Joanna Marsh (l’occasion d’inviter quelques compositrices dans cet univers de tradition masculine) et Piers Connor Kennedy, jeune doctorant dont on découvre le tout récent O nata lux écrit en 2014.

Les plus anciennes contributions (Lord, let thy servant now depart de Christopher Tye, Te lucis ante terminum de Tallis, les réponses à cinq parties de Behold, thou hast made my days d’Orlando Gibbons…) n’offrent pas les polyphonies les plus touffues ni les plus ardues conçues sur le sol anglais. Mais elles se mêlent sans hiatus aux déclamations homophones, comme A Hymne to Christ d’Imogen Holst, la fille du compositeur des Planètes dont on entend le Nunc dimittis présenté à la Westminster Cathedral en 1915. Autre canevas dépouillé dans The Lord’s Prayer de John Tavener.

Le ton ne se limite pas à l’évanescence, à la consonance, à la contemplation, mais intègre des pièces plus animées. Ainsi l’alliance de strates plain-chantesques et d’essor contrapuntique dans In Pace de Grayston Ives, un compositeur du cru puisqu’il exerça comme « Informator Choristarum » au Magdalen College de 1991 à 2009, succédant à d’illustres prédécesseurs comme John Sheppard qui tint cette charge… en 1543. D’autres congruences expliquent l’invitation de certaines pièces : An evening Hymn of Sir Thomas Browne d’Andrew Gant fut créé en 2021 par le Magdalen Choir, que fréquentaient alors ses deux garçons.

Le post-romantisme offre les deux visages les plus développés de cette anthologie, marqués par le contexte. Lord, let me know my end de Charles Hubert Parry est le dernier et le plus complexe (huit voix) d’un ensemble de six motets, consigné trois mois avant sa disparition. Manquant un peu d’acuité dans les passages fugués les plus denses, les choristes oxoniens n’en restituent pas tout le contraste vers le reflux apaisé. En revanche, plénitude et ardeur nourrissent l’interprétation du Eternal Father, conçu peu avant la Première Guerre mondiale par l’Irlandais Charles Villiers Stanford : l’intensité des sentiments pastoraux constitue le sommet de cet attachant album, à la fois cohérent et varié.

Christophe Steyne

Son : 8,5 – Livret : 8 – Répertoire : 7-9 – Interprétation : 9

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