« Escapades » : un voyage dans le temps et dans l’espace, par Kanae Endo
Edvard Grieg (1843-1907) : Au temps de Hoblerg, suite pour piano dans le style ancien op. 40 ; Alexandre Borodine (1833-1887) : Petite suite pour piano ; Rhené-Baton (1879-1940) : En Bretagne, suite de six pièces pour piano, op. 13. Kanae Endo, piano. 2019, notice en français et anglais. 67’49. Forlane FOR 16889.
On connaît très mal cette pianiste japonaise, extrêmement discrète d’ailleurs, mais il est temps qu’elle sorte de l’anonymat. Formée à l’Ecole Normale de Musique de Paris et enseignante à la Schola Cantorum de Paris, c’est une excellente chambriste et accompagnatrice. Nous avons déjà entendu les éloges de grands interprètes internationaux qui disent leur admiration sans bornes pour la qualité de ses accompagnements.
Elle réunit ici trois Suites de trois compositeurs : Grieg, Borodine et Rhené-Baton. Au temps de Holberg, Suite dans le style ancien op. 40 de Grieg est probablement le plus connu, notamment par la version que Grieg a lui-même remaniée plus tard pour orchestre à cordes. Son caractère baroque prend tout son charme au piano, rendu ici avec style et élégance, sans toutefois que cela "imite" un clavecin ou un pianoforte.
La Petite suite pour piano de Borodine présente quelques similitudes, en tout cas une influence assez flagrante, avec la Suite Holberg. Diverses empreintes évidentes de prédécesseurs, notamment Chopin et Schumann, sont également judicieusement mises en la lumière dans un mélange subtil de ces couleurs typiquement borodiennes. A quoi s’ajoute une épaisseur de la musique de chambre où la pianiste se distingue incontestablement.
La dernière suite, En Bretagne, comprend 6 pièces. Rhené-Baton, de son vrai nom René Emmanuel Baton, est un compositeur breton qui a vécu de 1879 à 1940. Exact contemporain de Ravel (1875-1937), mais aussi de Debussy (1862-1918), et encore de Fauré (1945-1924) et de Saint-Saëns (1835-1921), ses oeuvres se tiennent chichement dans l’ombre de ces géants et attendent impatiemment d’être dévoilées au grand jour.
Pourtant, c’est lui qui a réalisé le premier enregistrement mondial de la Symphonie Fantastique de Berlioz en 1924 en dirigeant l’orchestre des Concerts Pasdeloup ! Kanae Endo parle de « son parfum nostalgique et évocateur, ses harmonies particulières, le charme de ses mélodies et aussi par sa conception quasi orchestrale ». C’est cette dernière remarque qu’on retient le plus dans son interprétation, avec des variations de timbres chatoyants. La sensibilité de la pianiste, sa finesse qui cache une perspicacité aiguë pour déceler l’essentiel de chaque pièce, font de ce disque un joyau rare dans la gigantesque planète pianistique.
Son 7 - Livret 8 - Répertoire 8 - Interprétation 8
Victoria Okada