Evviva la commedia :  Don Pasquale à  l’Opéra de Liège 

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Il est des soirées lyriques qui génèrent la bonne humeur générale, ainsi à l’Opéra de Wallonie-Liège, celle de la première de « Don Pasquale » de Gaetano Donizetti.

Grâce à l’œuvre en elle-même, une des dernières du compositeur, créée en 1843 (il mourra en 1848) avant qu’il ne bascule dans une folie syphilitique, et composée en dix-sept jours seulement. Un prestissimo guère étonnant pour celui qui nous a laissé une septantaine d’opéras en tous genres et qui avait l’art de « l’économie musicale circulaire », de « l’auto-recyclage ».  

L’œuvre est une joyeuse et endiablée « commedia » typique avec ses personnages typés : le vieux Don Pasquale, exaspéré par les prétentions matrimoniales de son neveu Ernesto, décide de se marier pour le spolier de l’héritage à venir. On se doute bien que le barbon va être le dindon de la farce. Son ami le docteur Malatesta ourdit un plan infaillible en lui faisant (faussement) épouser la Norina chérie de son neveu, devenue Sofronia pour la bonne cause. Une « jeune fille tout juste sortie du couvent » qui à peine (faussement) mariée se révèle absolument tyrannique, dispendieuse, insupportable, infernale. Une seule solution pour le dupé : rompre ce (faux) mariage. Révélation du subterfuge et happy end pour Ernesto et Norina.

Une farce réjouissante dans son développement narratif donc, mais qui s’enrichit de la savoureuse partition de Donizetti. Une musique qui pétille, une musique qui joue des atmosphères, une musique au second degré aussi dans cette façon qu’elle a d’en rajouter savoureusement dans ses moyens et ses effets. Mais attention, une très belle musique qui, si elle fait rire et sourire, émeut aussi dans ses moments sentimentaux. Une musique admirablement servie par un jeune chef, Dayner Tafur-Diaz, beaucoup plus que prometteur déjà : il a parcouru rapidement un magnifique chemin depuis qu’il a remporté le premier prix du Concours International de Direction d’Orchestre d’Opéra organisé par l’Opéra de Wallonie-Liège en 2022. Il est l’excellent « conducteur » d’un Orchestre et des Chœurs de l’Opéra manifestement heureux de le suivre dans ses intentions et indications précises.

Cette farce, c’est Mirabelle Ordinaire qui la met en scène, la délocalisant dans le petit monde, typé lui aussi, de la Little Italy de New-York, avec son patchwork de réalités italiennes et américaines. Don Pasquale, hébergé dans une pizzeria « comme au pays », protégé par ses sbires siciliens, est un capo de la Maffia comptant et recomptant les gains de ses diverses activités lucratives. Voilà une option qui a efficacement et bellement motivé la scénographie (Philippine Ordinaire) et les costumes (Françoise Raybaud) italo-américains tout aussi typiques. On l’aura compris, tous ces « typiques » bienvenus garantissent le succès scénique de la farce.

Un succès définitivement assuré grâce à une distribution adéquate. Comme ils sont savoureux dans leur chant et dans leur jeu, comme leur plaisir d’y être et d’en être est communicatif, comme ils se réjouissent des acrobaties vocales de leurs rôles (ils les réalisent en tant que telles et avec un second degré bienvenu) : l’espiègle et séduisante Maria Laura Iacobellis-Norina ; le subtilement rusé Marcello Rosiello-Doctor Malatesta ; l’amoureux très amoureux ne comprenant pas d’abord-comprenant ensuite la mystification en cours Maxim Mironov-Ernesto ; et Benoît Delvaux en notaire nécessaire. Mais celui qui est « à la fête », comme personnage grugé et comme interprète de ce personnage, c’est l’incontournable Ambrogio Maestri. Quelle présence, quelle aisance, quel bonheur communicatif, quelle joie perpétuée !

Telle est donc la recette de ce bonheur lyrique-là, dont les « ingrédients de qualité » se conjuguent à merveille. 

Liège, Opéra royal, 17 mai 2025

Crédits photographiques : J.Berger/ORW-Liège

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