Fauré et Gounod par Hervé Niquet

par

Gabriel Fauré (1845-1924)
Messe de Requiem op. 48 (version de 1893)
Charles Gounod (1818-1893)
Ave Verum – Les sept paroles du Christ sur la croix
Flemish Radio Choir, Brussels Philharmonic Soloists : Hervé Niquet, direction - Andrew Foster Williams, baryton-basse
2014-DDD-54’04-Textes de présentation en anglais, français et néerlandais-Evil Penguin Records-EPRC0015

Hervé Niquet réunit deux ensembles qu’il connaît bien - le Flemish Radio Choir et le Brussels Philharmonic Soloists - pour un projet ambitieux : une série de cinq enregistrements autour du thème du Requiem. C’est le Requiem de Fauré, associé à la musique chorale de Gounod, qui ouvre cette première parution. Se décrivant comme un agnostique, Fauré devient en 1877 maître de chapelle à la Madeleine à Paris puis organiste de la même église en 1896. Agacé de toujours jouer la même chose lors des offices, il décide alors de créer son Requiem : « Voilà si longtemps que j’accompagne à l’orgue des services d’enterrements ! J’en ai pardessus la tête. J’ai voulu faire autre chose ». Dans une approche plus calme et sereine, il décide de retirer le Dies irae pour privilégier des séquences plus apaisées, comme le In paradisum ou le Pie Jesu. Pour cet enregistrement, Hervé Niquet a préféré la version de 1893 (ajout de l’Offertoire et du Libera me, cuivres, baryton solo dans l’idée d’un chantre) tout en apportant sa vision de l’authenticité de l’interprétation d’époque : « Mon point de départ se fonde sur les contraintes sociologiques d’un service funèbre du 19ème siècle, et je n’ai aucun scrupule à faire ce que tout maître de chapelle de n’importe quelle paroisse française aurait fait : adapter la pompe et les circonstances d’un enterrement aux moyens financiers et aux capacités musicales à portée de la main. » C’est ainsi que le Pie Jesu est chanté ici par les six sopranos du chœur, et non par une soliste, le tout dans une prononciation française du Latin. En seconde partie, les artistes s’attaquent à la musique religieuse de Gounod avec l’Ave Verum, une musique douce et simple, et les Sept Paroles du Christ sur la croix, pour chœur a cappella, dont on nous apprend que Gounod aurait tenté d’imiter la polyphonie complexe de Palestrina. Dans une interprétation personnelle, Hervé Niquet conduit les lignes de ces deux ensembles avec franchise et sobriété. Adaptant des tempi justes, le dialogue créé par les différents artistes est idéal et permet aux lignes musicales d’émerger naturellement. A six par voix, le chœur offre un travail remarquable sur l’homogénéité du son et sur la clarté des plans sonores et de la voix, tant avec orchestre qu’a cappella. La seule voix soliste de l’enregistrement, Andrew Foster Williams, adopte aussi un ton retenu mais non austère avec ce qu’il faut de vibrato. Mais ce qu’il faut retenir surtout, c’est cette capacité à créer un seul son, un seul souffle grâce à une belle énergie commune et à la compréhension de l’œuvre et son histoire. Les inconditionnels d’une interprétation plus souple voire généreuse auront un peu de mal à la première écoute de ce disque. Pourtant, même si l’interprétation demeure personnelle, elle n’en est pas moins juste et intéressante.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 9 – Répertoire 10 – Interprétation 9

Les commentaires sont clos.