Glorification du violoncelle français par Marc Coppey

par

Léon Boëllmann (1862-1897) : Variations symphoniques pour violoncelle et orchestre op. 23. Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Concerto pour violoncelle et orchestre n° 1 en la mineur op. 33 ; Le Carnaval des animaux : Le Cygne. Gabriel Fauré (1845-1924) : Élégie pour violoncelle et orchestre op. 24. Edouard Lalo (1823-1892) : Concerto pour violoncelle et orchestre en ré mineur. Marc Coppey, violoncelle ; Orchestre philharmonique de Strasbourg, direction John Nelson. 2021. Notice en anglais et en allemand. 70.47. Audite 97.802.

Cet album qui glorifie l’inventivité du violoncelle français de la dernière partie du XIXe siècle est aussi une aventure triplement strasbourgeoise. Le soliste, Marc Coppey (°1970), y est né, l’Orchestre Philharmonique de la capitale alsacienne est de la partie et la prise de son a été effectuée en la Salle Erasme du Palais de la Musique et des Congrès. La formation de Marc Coppey s’est parachevée à Paris où il a été l’élève de Philippe Muller (°1946), successeur d’André Navarra, puis à Bloomington auprès de János Starker. Lauréat de plusieurs concours, Coppey a aussi reçu les conseils de Paul Tortelier et de Mstislav Rostropovitch. Sa riche discographie, saluée par la critique, comprend des concertos et des sonates du répertoire classique et contemporain, mais aussi de multiples pages de musique de chambre ; il est depuis quelques années le directeur artistique des Solistes de Zagreb.  

C’est par les Variations symphoniques de l’Alsacien Léon Boëllmann, né à Ensisheim, non loin de Mulhouse que s’ouvre le programme. Mort de phtisie à 35 ans, ce neveu et élève d’Eugène Gigout a été pendant quelques années titulaire de l’orgue de l’église Saint-Vincent-de-Paul à Paris. Sa Symphonie, créée à Nancy en 1894, a fait l’objet de l’ultime enregistrement du regretté Patrick Davin (Fuga Libera, notre article du 16 août 2021). En complément, Henri Demarquette jouait alors, avec l’Orchestre de Mulhouse sous la baguette de Davin, les Variations symphoniques de 1892, une ample page en un mouvement, empreinte d’un noble héroïsme. Marc Coppey adopte de son côté un tempo plus large que Demarquette, conférant à cette œuvre passionnée où le dialogue instrumental avec l’orchestre est permanent, une forte dimension émotionnelle.

Le Concerto n° 1 de Saint-Saëns, son opus 33, date du début des années 1870. Cette partition dont les qualités d’équilibre et de clarté s’inscrivent dans un contexte fascinant, modelé avec soin par un effectif où les cordes sont rejointes par les bois par deux, avec deux cors, deux trompettes et les timbales, se révèle ici dans toute sa pureté expressive. Tout effet démonstratif est banni pour exalter la beauté du son du Matteo Goffriller vénitien de 1711 que joue le soliste, avec de chaudes inflexions, dans un contexte poétique plein d’élégance. Les trois mouvements s’enchaînent avec souplesse, le second, l’Allegretto con moto, déployant ses ressources d’intimité, avant la brillance de l’Allegro final dont Coppey laisse chanter toute la sève conquérante. L’Élégie de Fauré qui suit, orchestrée en 1895 à partir d’une page pour violoncelle et piano, était sans doute primitivement destinée à un mouvement lent de sonate. Coppey joue à fond la carte de la sobriété et du mystère, dans un contexte de respiration maîtrisée et d’enveloppant émoi.

Avec le Concerto de Lalo de 1876, Coppey laisse libre cours à la sonorité ensorcelante de son instrument, soulignant le rythme, l’éloquence ou l’introversion dans un élan plein de vitalité qui prépare, après le Prélude lent suivi d’un Allegro maestoso rondement mené, un Intermezzo imprégné d’une rêverie chaleureuse. Il arrive ainsi à exalter les nuances, dans un engagement dont la volonté d’équilibre s’enrichit d’une lumière aux contrastes variés, comme le démontre la fougue du final au cours duquel le soliste et l’orchestre ne cessent de dialoguer avec passion. Une très belle version, où l’on apprécie la fusion entre la pudeur et l’élévation mélodique. Le Cygne, extrait du Carnaval des animaux, clôture le programme dans un climat d’apesanteur raffinée et de rêve éveillé.

Ce florilège du XIXe siècle français procure de superbes moments d’écoute qui rappellent à quel point ce romantisme finissant recèle des trésors que l’on ne se lasse pas de redécouvrir. Dans cet enregistrement réalisé du 20 au 23 avril 2021, Marc Coppey fait la démonstration des qualités d’interprète sensible qu’on lui connaît et de la plénitude de son jeu. L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Dans le cas présent, c’est la baguette de l’Américain John Nelson, un invité régulier de la phalange qui anime cette phalange aux belles couleurs. On sait que ce chef est l’un des meilleurs spécialistes d’Hector Berlioz. En digne soutien du soliste, il démontre ici que ses affinités avec la musique française ne se limitent pas au seul compositeur des Troyens. L’éditeur aurait pu, pour ce « French Cello », se donner la peine d’une notice en français ; il faudra s’en contenter en anglais et en allemand seulement.

Son : 9   Notice : 8  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix  

 

  

 

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