Réédition bienvenue du Trio de Chausson par le jeune Trio Wanderer

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Ernest Chausson (1855-1899) : Trio pour piano, violon et violoncelle en sol mineur op. 3. Claude Debussy (1862-1918) : Sonate n° 1 pour violoncelle et piano en ré mineur. Maurice Emmanuel (1862-1938) : Sonate pour violoncelle et piano op. 2. Trio Wanderer ; Marc Coppey, violoncelle ; Eric Le Sage, piano. 1993. Notice en allemand, en anglais et en français. 82’ 43’’. Pan Classics PC 10470.

Il y a des rééditions qu’on applaudit des deux mains. C’est le cas pour cet album, initialement paru en 1993 sous le label K617 en vue de promouvoir des artistes en début de carrière.  À cette époque, le Trio Wanderer, fondé en 1987, réunissait des étudiants de la classe de Jean-Claude Pennetier au CNSM de Paris : Guillaume Sutre au violon, Raphaël Pidoux au violoncelle et Vincent Cocq au piano. Le Trio op. 3 de Chausson était une belle opportunité de faire connaître ces jeunes interprètes, qui allaient se faire une belle place au soleil. Appelé à rejoindre le Quatuor Ysaÿe en 1995, Guillaume Sutre fut remplacé par Jean-Marc Phillips-Varjabédian, ce qui entraîna une nouvelle gravure de la même partition en 1999 (Harmonia Mundi). Le choix de 1993 n’était peut-être pas anodin, puisque le professeur, Jean-Claude Pennetier, avait lui-même enregistré le Trio en 1982 avec Régis Pasquier et Roland Pidoux, le père de Raphaël, pour Harmonia Mundi. 

De jeunes interprètes onfrontés à un compositeur jeune lui aussi, cela coulait de source. En 1881, Chausson, âgé de 26 ans, était meurtri par son échec au prix de Rome, ce qui ne l’empêcha pas de se lancer dans l’écriture du Trio dès l’été ; mais l’accueil fut des plus mesurés à sa création à Paris en 1882, alors qu’André Messager était au piano. Dans les biographies qu’il a consacrées à Chausson (Seghers, 1967 ; Fayard, 1994), Jean Gallois estime avec raison que ce Trio est pourtant d’une importance capitale. Pour trois raisons : l’esthétique de la partition, qui est de toute beauté ; l’attrait du jeune Parisien, alors élève à la fois de Massenet et de Franck, pour la musique de chambre, au moment où public et créateurs privilégient l’opéra et le ballet ; son importance musicale, l’œuvre étant bâtie selon la forme cyclique, chère à César Franck. 

Ce superbe Trio en quatre mouvements, imposante partition de plus de trente minutes, révèle une personnalité capable de varier les couleurs et de les faire chatoyer, mais atteste aussi de l’inspiration et de l’affirmation d’un jeune musicien, dont la trop courte existence sera jalonnée de chefs-d’œuvre. Le Trio Wanderer de 1993 a bien saisi toute la portée intimiste, chaleureuse et heureuse de la partition, dont il souligne avec ferveur les côtés élégiaques comme les développements souplement rythmés. C’est sans doute dans le lent troisième mouvement, où un climat, au sein duquel se mélangent méditation et douleur dans un poignant dialogue entre violon et violoncelle, se développe, que l’art des jeunes interprètes trouve son accomplissement, avant l’intensité du final, qui montre avec éclat l’assimilation par Chausson de la forme cyclique. Le résultat est une version pleine de juvénilité investie et d’expressivité débordante. 

Deux compléments de programmes dévoilaient aussi en 1993 le talent de deux autres jeunes artistes : le violoncelliste Marc Coppey, 23 ans, et le pianiste Éric Le Sage, 29 ans. La Sonate pour violoncelle et piano de Debussy, qui date de 1915, et dans laquelle le piano sert avant tout de faire-valoir pour son partenaire, est une page étrange, dont les élans fantastiques de la Sérénade centrale sont empreints de mélancolie. Le jeu de Coppey se révèle très clair, Le Sage lui offrant un arrière-fond des plus qualitatifs. Quant à la peu fréquentée Sonate pour violoncelle et piano de Maurice Emmanuel, que ce dernier, élève de Léo Delibes, composa en 1887, elle ne fut pas appréciée par son professeur qui la jugea trop audacieuse, au point de barrer la route du Prix de Rome à son étudiant. Elle n’a été publiée qu’en 1921 et jouée dans la foulée. Coppey et Le Sage en soulignent le caractère limpide et la beauté formelle. La notice rappelle ce qu’en disait Harry Halbreich, qui mettait l’accent sur un triptyque net et concis, d’une verve jaillissante et d’une délicieuse fraîcheur puisant aux sources d’un folklore imaginaire. Halbreich précisait qu’elle annonçait le futur Debussy.

Il ne faut pas manquer cette superbe réédition, témoignage de la valeur et de l’engagement de musiciens, alors jeunes, qui ont fait depuis une remarquable carrière. Le programme était déjà un gage d’exigence. Pour Emmanuel, c’était même une première mondiale.   

Son : 8,5    Notice : 8    Répertoire : 10    Interprétation : 10

Jean Lacroix

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