Gurre-Lieder d’anniversaire au Musikverein 

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En ce 13 septembre, jour anniversaire de la naissance d’Arnold Schönberg, le Musikverein de Vienne propose un concert anniversaire d'ampleur : les gigantesques Gurre-Lieder dans le cadre de l’ouverture de la saison des Wiener Symphoniker qui coïncide avec  la prise fonction effective de leur nouveau directeur musical le Tchèque Petr Popelka. 

En Autriche, Arnold Schönberg a été célébré  par des expositions, en particulier au Centre Arnold Schönberg voisin du Musikverein, des concerts et même un timbre de la poste autrichienne. Pas mal pour un compositeur moderniste, peu bankable auprès du grand public. Cependant, c’est tout à l”honneur du pays de célébrer cet artiste majeur dans l’évolution musicale.  

Mais revenons aux Gurre-Lieder qui furent créés en 1913 sur cette même scène du Musikverein par le prédécesseur des Wiener Symphoniker, la Wiener Concertverein. Assister à une interprétation de cette partition titanesque est toujours un immense privilège tant la démesure des effectifs et les coûts attenants effraient les programmateurs (la dernière interprétation en Belgique remonte à 2007 avec les forces de La Monnaie). Au final, en cette année anniversaire, on ne relevait pas tant d’exécutions, souvent offertes par des orchestres et des choeurs de radio (Simon Rattle à Munich avec les forces du BR ou Alan Gilbert à Hambourg et Lucerne avec la NDR) ou opératiques comme Riccardo Chailly avec La Scala. Dès lors, entendre ces Gurre-Lieder à Vienne dans la salle qui a vu leur création est un double privilège.  

Pour relever le défi musical, les Wiener Symphoniker sont renforcés de forces chorales locales (Singverein der Gesellschaft der Musikfreunde in Wien) et internationales (Choeur philharmonique slovaque et pupitres masculins du Choeur national hongrois) ainsi que d’une solide distribution d'artistes de haut-vol :  Michael Weinius (Waldemar), Vera-Lotte Boecker (Tove), Sasha Cooke (Waldtaube), Gerhard Siegel (Klauss), Florian Boesch (Bauer) et Angela Denoke en récitante de grand luxe. 

Construire un tel édifice sonore nécessite un solide sens de l’architecture et Petr Popelka relève sans peine le défi. Au pupitre de son orchestre galvanisé et chauffé à blanc, le maestro dirige de manière allante, combinant le soin apporté aux textures et la construction de l’arc dramatique. Il impose un indéniable souffle qui culmine dans une troisième partie portée aux sommets de l'intensité. Sa direction ne vise pas l’analytisme exagéré ou la romantisation tardive, mais conserve une belle fluidité qui s’impose d’évidence narrative peignant un payasage évocateur. Bien sûr, il lui faut gérer une telle masse instrumentale et chorale dans une salle pas si grande comme celle du Musikverein et il est essentiel de saluer la capacité du chef à envisager les dynamiques dans cette acoustique très généreuse. Certains passages sont très impressionnants à l’image de l’entrée des chœurs dans la “Deckel des Sarges klappert’. La puissance chorale est à l'œuvre en enthousiasme et en couleurs s’additionnant aux flux instrumentaux. La distribution, composée de chanteurs d’expérience est des plus satisfaisantes à commencer par le ténor Michael Weinius, véritablement héroïque et vaillant ainsi que les excellentes Vera-Lotte Boecker (soprano), Sasha Cooke (mezzo).

Le public se montre particulièrement enthousiaste, heureux d’avoir vécu un tel évènement. La prise de fonction de Petr Popelka est une grande réussite par ce type de concert d'embléée de référence qui place la barre déjà très très haut.

Vienne, Musikverein, 13 septembre 2024

Pierre-Jean Tribot

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