Haydn virevoltant et toujours surprenant sous la direction de Johannes Klumpp
Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonies Nos 3, 33, 108 « B », 14. Heidelberger Sinfoniker, direction : Johannes Klumpp. 2022. 67’37. Textes de présentation en allemand et anglais. Hänssler Classi - HC22077
Entamée depuis 1995 déjà par Thomas Fey à la tête des Heidelberger Sinfoniker, orchestre qu’il avait lui-même formé, cette intégrale des symphonies de Haydn avait connu un coup d’arrêt à la suite d’un grave accident subi par le chef en 2014 et qui l’avait amené à renoncer à ses fonctions.
Un digne successeur lui a été trouvé à partir de 2020 en la personne du jeune chef allemand Johannes Klumpp qui poursuit ce projet qui devrait arriver à son terme à la fin de cette année, l’éditeur Hänssler Classic prévoyant la mise sur le marché d’un coffret reprenant toutes les symphonies de Haydn pour 2024.
Dans ce vingt-septième volume, le chef et l’orchestre -dont le nom peut prêter à confusion, puisqu’il s’agit bien ici d’un ensemble de chambre de 24 membres plutôt que d’un orchestre symphonique au sens habituel- aborde des oeuvres saillies de la plume d’un compositeur autour de la trentaine, entré en 1761 au service du Prince Esterházy et en plein dans sa période Sturm und Drang.
Les quatre oeuvres proposées ici sont offertes dans une interprétation au style aisément défini. Même si l’orchestre joue sur instruments modernes (si ce n’est le recours aux cors naturels, fabuleusement sûrs dans les parties très aiguës que leur destine Haydn), l’approche est bien pénétrée de la pratique historiquement informée. Les mouvements rapides sont attaqués bille en tête -et parfois à la limite de la précipitation- avec un enthousiasme et une franchise qui bousculent tout devant eux, le chef pouvant compter sur un orchestre virtuose et clairement très bien préparé. La sonorité de l’ensemble est d’une belle transparence, les basses sont clairement audibles et les bois se font bien entendre.
On appréciera beaucoup le beau travail réalisé sur les mouvements lents, comme dans l’Andante de la Symphonie n° 3 avec son caractère de procession qui sent encore bien le baroque. Et on pourra en dire autant de celui de la Symphonie n° 33, long mouvement (9’12) confié aux cordes seules, dont l’esthétique rappelle beaucoup C.P.E. Bach.
Comme toujours chez ce compositeur si invariablement imaginatif, ce ne sont pas les surprises qui manquent. C’est ainsi que plus d’un auditeur sera surpris d’entendre le motif de quatre notes qui ouvre le Finale fugué de la Symphonie n° 3 et qui semble étonnamment annoncer le grand Finale de la Symphonie Jupiter de Mozart.
Les Menuets sont toujours traités avec esprit et sans lourdeur. Dans la Symphonie n° 3, Haydn opte pour un Menuet en canon, alors que celui de la Symphonie n° 33 ses déploie dans un ut majeur festif et propose un Trio pour cordes seules. Dans la Symphonie n° 14, ce même mouvement est marqué par de brillantes interventions des cors et un exquis solo de hautbois.
Quant aux mouvements finaux de ces quatre oeuvres, ils sont toujours brillamment enlevés et avec beaucoup d’esprit.
Parmi ces oeuvres de jeunesse que l’on entend rarement (et c’est bien dommage), la Symphonie « B » mérite un mot d’explication. Longtemps tenue pour un quatuor ou un divertimento pour cordes, la découverte des parties de vents ont confirmé qu’il s’agit bel et bien d’une symphonie de jeunesse. Rajoutée au catalogue des symphonies déjà établi, elle se vit attribuer le n° 108.
Les mélomanes qui collectionnent cette série seront ravis de voir cet enregistrement aborder ces oeuvres de jeunesse, les autres vont au-devant d’une très belle découverte.
Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10- Interprétation 9
Patrice Lieberman