Hommage anniversaire de Supraphon au pianiste tchèque Ivan Moravec

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Ivan Moravec, piano - Portrait. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concertos pour piano n° 14 en mi bémol majeur, K. 449 ; n° 23 en la majeur, K. 488 ; n° 25 en ut majeur, K. 503. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concertos pour piano n° 3 en ut mineur, op. 37 ; n° 4 en sol majeur, op. 58. Robert Schumann (1810-1856) : Concerto pour piano en la mineur, op. 54. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n° 1 en ré mineur, op. 15. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Concerto pour piano n° 1 en ré bémol majeur, op. 10. Maurice Ravel (1875-1937) : Concerto pour piano en sol majeur. Diverses œuvres pour piano solo de Ludwig van Beethoven (1770-1827), Johannes Brahms (1833-1897), Frédéric Chopin (1810-1849), Claude Debussy (1862-1918), César Franck (1822-1890), Leoš Janáček (1854-1928), Bohuslav Martinů (1890-1959), Maurice Ravel (1875-1937), Robert Schumann (1810-1856), Bedřich Smetana (1824-1884). Saša Večtomov, violoncelle. Ivan Moravec, piano. Orchestre de Chambre Tchèque, direction : Josef Vlach. Orchestre Philharmonique Tchèque, direction : Karel Ančerl, Václav Neumann, Josef Vlach. Musikverein Wien Orchester, direction : Martin Turnovský. Dallas Symphony Orchestra, direction : Eduardo Mata. Enregistré entre mai 1962 et novembre 2002 à Dallas, New York, Troy, Prague, Vienne. Édition 2020. Livret en anglais, allemand, français, tchèque. 1 coffret 11 CD et 1 DVD Supraphon SU4290-2.

En un album sobrement présenté de 11 CDs et un DVD, le label tchèque Supraphon publie en édition anniversaire ce qui apparaît comme la plus vaste anthologie consacrée au grand pianiste pragois Ivan Moravec (1930-2015). C’est à l’écoute des disques phonographiques d’Enrico Caruso appartenant à son père et qu’Ivan, enfant, appréciait particulièrement, qu’il s’est très probablement forgé ce cantabile imprégnant de façon si caractéristique ses futures interprétations. Lui-même déclarait : mon véritable amour est en fait de chanter. Il ne sera guère étonnant qu’à l’écoute de cet admirable coffret, l’auditeur ait à l’esprit la démarche intellectuelle et l’art exigeant d’Arturo Benedetti Michelangeli, car l’illustre pianiste italien lui-même l’invita à ses master classes à Arezzo. Tous deux sont des personnalités exceptionnelles absolument étrangères au moindre tapage médiatique, en rien influencées par l’opinion publique ou critique qui les indiffère, et très attachées à leurs propres convictions musicales ; ils décident en toute indépendance où et quand ils se produisent et enregistrent… L’héritage discographique de l’un et l’autre est en conséquence modeste, mais il est d’or !

Hormis les quelques cycles de Chopin (Ballades, Scherzos et Préludes), de Schumann (Kinderszenen), de Debussy (Children’s Corner, Estampes, Images et Pour le piano), tous compositeurs qu’il chérissait particulièrement, il ne sera donc pas question dans ce coffret d’intégrales de la part d’Ivan Moravec, mais bien d’œuvres choisies judicieusement appropriées à sa personnalité. Dans son jeu, il a constamment mis en évidence la parenté entre ces trois compositeurs : il en traduit subtilement la poésie, par une extraordinaire transparence du toucher qui tient du miracle, et que si peu de virtuoses possèdent ; il est l’interprète idéal de ces pages dans les sonorités si diversement nuancées, et plus encore dans la justesse de ses phrasés.

Une section du coffret est réservée à des œuvres incontournables de Beethoven, dont les Concertos pour piano n° 3 en ut mineur, op. 37 et n° 4 en sol majeur, op. 58. Il y manifeste une véritable nature de musicien dont la remarquable virtuosité est toujours orientée vers la substance intérieure des œuvres et leurs prolongements : les mouvements lents de ces deux concertos sont particulièrement révélateurs, surtout la géniale méditation qui forme le mouvement lent du n° 4 en sol majeur, dans lequel, soutenu par l’admirable chef Martin Turnovský, il est insurpassable par la justesse et la profondeur, aux côtés de l’interprétation du trop oublié Hans Richter-Haaser (1912-1980), qui lui est contemporaine. Et son choix de sonates nominatives est à l’avenant, comme on devait s’y attendre…

Les Concertos pour piano n° 14 K. 449, n° 23 K. 488 et n° 25 K. 503 de Mozart trouvent en Ivan Moravec une sensibilité et un sentiment poétique sans apprêt, un interprète intelligent et lucide, au toucher précis toujours fin et délicat, aux phrasés volubiles et naturels, exempts de toute pesanteur. Dans son Concerto pour piano n° 1 en ré mineur, op. 15 de Brahms, qui est plus une œuvre orchestrale avec piano obligé, dans celui en la mineur, op. 54 de Schumann, tout en son jeu est pure musique, tout vibre et tout chante : il possède un don poétique sobre et discret mais toujours présent, une intuition juste s’exprimant avec une simplicité naturelle.

Les innombrables qualités de cet admirable musicien font évidemment merveille dans la délicieuse Sonatine en fa dièse mineur de Ravel, et bien évidemment dans le répertoire ancré dans son ADN : les diverses pages de Bedřich Smetana, Leoš Janáček et Bohuslav Martinů, y compris d’ailleurs celles, mineures, comme les Polkas, sont toutes sans hésitation de référence sous ses doigts. Et il est si édifiant de le découvrir en vidéo dans l’excellent et généreux DVD inclus dans le coffret, où non seulement lui est consacré un remarquable documentaire de près d’une heure, mais également dans deux œuvres solo de Beethoven et trois Concertos pour piano (Prokofiev, Mozart et Ravel) qu’agrémente la joie de voir diriger respectivement les chefs tchèques légendaires Karel Ančerl (1908-1973), Josef Vlach (1923-1988) et Václav Neumann (1920-1995), le tout issu des archives de la Télévision Tchèque.

Son : 9 - Livret : 9 - Répertoire : 10 - Interprétation : 10

Michel Tibbaut

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