La Scala di Seta de Rossini, revisitée par l’Académie de l’Opéra de Paris, ne fait pas dans la dentelle

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Comme la texture de la soie qui sert ici d’échelle amoureuse, l’art belcantiste est à manier avec précaution. Car Rossini comme Mozart, sous le masque de l’insouciance, de l’apparente simplicité, ne tolèrent pas la moindre approximation de justesse musicale, de style ou de goût. Il suffit de peu pour que l’émerveillement se dissipe laissant place à l’ennui et la lourdeur.

Y compris pour une « petite Farce comique », en un acte, comme cette Scala di Seta, sixième œuvre d’un compositeur de 20 ans, créée au Teatro San Moisè de Venise, le 5 septembre 1812 et, finalement, bien plus exigeante qu’il n’y paraît !

C’est pourquoi l’idée d’exposer des chanteurs en début de carrière à une esthétique si élaborée pouvait sembler, à priori, hasardeuse. D’autant que la polyvalence exigée d’eux paraît difficilement compatible avec l’approfondissement stylistique requis.

De son côté, l’équipe pléthorique réunie autour de Pascal Neyron (mise en scène) et Elizabeth Askren (direction musicale) fait état, pour la plupart, d’expériences dans le domaine de l’opérette, du théâtre et des œuvres contemporaines. Ces références conduisent naturellement vers des approches scéniques où l’esprit du compositeur du Barbier de Séville devient second.

Des silhouettes satiriques inspirées des « Simpsons », une gestuelle de fin de banquet où la trivialité fait loi (le jeu de jambe de Giulia -Boglartka Brindas- soprano hongroise, silhouette de Botero au milieu d’un énorme tutu jaune poussin, rendrait pudiques les postures du French Cancan), des décors de lit et penderie escamotables noyés dans un marron déprimant ou encore des perruques de drag-queen et autres postiches callipyges, prennent ainsi toute la place.

Pourtant, les chanteurs (distribution B) et musiciens en résidence à l’Académie de l’Opéra national de Paris manifestent une combativité et une énergie qui ne demanderaient qu’un terrain plus adapté au développement de leurs qualités respectives.

L’ensemble instrumental aux effectifs réduits au minimum (sans cors) offre lui aussi de jolies interventions sans que la direction appliquée d’Elizabeth Askren parvienne à obtenir une réelle cohérence du discours et la fusion musicale désirée.

«Io so ch'hai buon core » (Tu sais que j’ai bon cœur) proclament les héros. Certes, la proximité des artistes avec le public de la petite salle aux dorures néo-baroques du théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet témoigne de cette jovialité.

Quant à la caressante, captivante, euphorisante douceur du chant rossinien, fondé sur le bel canto baroque qui donna naissance à la dynastie des Garcia, Maria Malibran, Pauline Viardot, Adolphe Nourrit, Julie Dorus-Gras, eux-mêmes professeurs, jusqu’aux meilleurs belcantistes actuels… elle s’est éclipsée.

Bénédicte Palaux Simonnet

Paris, Athénée Louis-Jouvet, le 3 mai 2023

Crédits photographiques : Vincent Lappartient/ONP

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