James Feddeck et l’ONF séduisent dans Berlioz, Bizet et Schumann

par

James Feddeck / Harrison Parrott

Pour son deuxième concert à la tête de l’Orchestre National de France, qu’il avait déjà dirigé en 2018, le jeune chef d'orchestre américain James Feddeck avait choisi trois œuvres presque contemporaines : l’Ouverture de Béatrice et Bénédict d’Hector Berlioz (1862), la Symphonie en ut de Georges Bizet (1855) et la Troisième Symphonie de Robert Schumann (1850).

Le départ virtuose et volubile de l’Ouverture est donné avec un geste étonnamment lent... et cela fonctionne. La gestique est assez particulière, frisant par moments la nonchalance, mais toujours présente malgré tout. James Feddeck se tient rarement vraiment face à l’orchestre ; il se positionne plus volontiers latéralement (d’un côté ou de l’autre). Est-ce une volonté d’instaurer un contact privilégié avec une partie de l’orchestre ?

Celui-ci est dans une disposition inhabituelle (qui n’est manifestement pas due aux contraintes sanitaires, puisque les instrumentistes à cordes sont à deux par pupitre) : au centre, seulement deux rangs de cordes ; elles sont pourtant nombreuses (14 premiers et 12 seconds violons, 10 altos, 8 violoncelles et 6 contrebasses), mais se déploient sur les côtés de la scène. À noter que les deux groupes de violons se font face, ce qui crée, notamment dans Berlioz, un effet stéréo assez saisissant. Les violoncelles, avec les contrebasses derrière, sont à côté des premiers violons, tandis que les altos sont à côté des seconds. Il y a un vide entre les cordes et les vents, surtout côté jardin, car côté cour l’espace est en partie rempli par les cors, qui sont donc près des altos. 

La Symphonie de Bizet est une merveille de fraîcheur, de vivacité et de spontanéité. Écrite en moins d’un mois par un compositeur de dix-sept ans qui n’avait aucune considération artistique pour cette œuvre qu’il considérait comme un simple travail de composition, elle n’a été redécouverte qu’en 1932, et jouit depuis d’un succès amplement mérité. Si sa tonalité franche et directe d’ut majeur participe de beaucoup à la proximité immédiate que l’on ressent à son écoute, elle pose des problèmes de justesse presque insolubles pour les cordes, et en particulier pour les premiers violons. En effet, cette tonalité, qui est la plus simple, est aussi la plus dénudée ; la moindre imperfection ne pardonne pas. Et, avec une formation aussi fournie, ces risques sont augmentés ; rien d’insultant, loin de là, mais il y a eu quelques petits accrocs. Et puis, l’équilibre avec les vents a parfois joué en leur défaveur, ce qui est d’autant plus dommage que les instrumentistes de notre Orchestre National sont excellents. Le solo de hautbois de l’Adagio a été une pure merveille, à la fois intense et aérien.

Après cette première partie pétillante, place à l’œuvre qui donne son titre à l’ensemble du programme : la Symphonie Rhénane de Schumann. C’est après son installation à Düsseldorf comme directeur de la musique de la ville que le compositeur écrit cet immense hommage au Rhin, sur la rive droite duquel la ville se déploie. L’énergie est maintenant toute autre : passionnée, enflammée, subjective. Et si cette symphonie n’est pas tout à fait exempte de pittoresque dans son évocation du Rhin au cours de ses cinq mouvements (dans les deuxième et troisième notamment), on n’y trouvera rien de réellement descriptif. D’autant que James Feddeck ne cède jamais à la facilité ; en authentique musicien, il privilégie toujours l’expression.

Tout au plus peut-on observer une petite baisse de régime dans certains passages du quatrième mouvement. Il se termine néanmoins en beauté, James Feddeck nous rappelant, dans les sonorités qu’il tire de l’orchestre, qu’il est aussi organiste (et, probablement grâce à cela, particulièrement réputé dans les symphonies de Bruckner, souvent très proches de l’orgue, que ce soit par la couleur orchestrale ou par l’impact émotionnel). Quant au cinquième et dernier mouvement, il s’y amuse sans tomber dans la frivolité, et nous offre une coda irrésistiblement brillante.

Paris, Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique, 17 juin 2021

Pierre Carrive 

Crédits photographiques : B.Ealovega

 

 

 

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