Le Printemps des Arts de Monte-Carlo 2023
Le Festival Printemps des Arts de Monte-Carlo est un des rendez-vous culturels les plus importants de la Principauté. Pendant un mois, du mercredi au dimanche, on découvre des œuvres sortant des sentiers battus rarement jouées en concert ainsi que des créations, ADN du festival.
Pour sa deuxième saison en tant que directeur artistique Bruno Mantovani, continue avec sa thématique "Ma fin est mon commencement" opus 2, programmant la trajectoire des premières aux ultimes œuvres d'un même compositeur, avec cette année également un panorama d'oeuvres de compositeurs nord-américains du XXème siècle.
Le ton est donné dès le concert d'ouverture avec Bruno Mantovani lui-même aux percussions, avec Julien Bourgeois dans Clapping Hands de Steve Reich ; compositeur qu'on retrouve le dernier weekend du festival dans des œuvres composées entre 1988 et 2003.
Michel Dalberto est un pianiste fort apprécié du public. Il déborde d'énergie et cette année il relève le défi du marathon pianistique, en se produisant trois jours de suite, en concert avec orchestre à l'Auditorium Rainier III, en récital solo dans la Salle Tortue du Musée Océanographique et en duo avec le baryton Edwin Crossley-Mercer au One Monte-Carlo.
Des trois acoustiques différentes, c’est celle de l'Auditorium qui lui convient le mieux. Pour le concert d'ouverture on entend Dalberto avec plaisir dans deux œuvres trop rarement jouées en concert. Le poème symphonique pour piano et orchestre Les Djinns et les superbes Variations symphoniques pour piano et orchestre de César Franck. Dalberto séduit le public, par son entrain, son ardeur et son élégance. L'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, partenaire fidèle du Printemps des Arts, est placé sous la baguette de Kazuki Yamada. Le chef, qui est très à son affaire dans cette musique, est en parfaite harmonie.
Anton Bruckner est un exact contemporain de César Franck et c’est sa Symphonie n°2 qui complète le programme. L'interprétation de Yamada et de l'O.P.M.C. est admirable, avec une approche lyrique parfaitement sculptée. Il fait ressortir toute la beauté et l'intensité de la symphonie.
Michel Dalberto est un spécialiste de Schubert. Il a enregistré l'intégrale de son œuvre pour piano en 2009. Le pianiste a évolué depuis. Pour son récital "tout Schubert" Dalberto nous propose un programme monumental qui va de la Sonate D.537 composée à l'âge de 20 ans à la Sonate D.960 composée deux mois avant sa mort. Ces deux partitions sont mises en relief avec des extraits des Moments Musicaux et la très virtuose Wanderer Fantasie. Tendu, anguleux, le toucher percussif de Michel Dalberto ne plaît pas à tout le monde et on peut regretter son approche plus tendre et lyrique qu'il avait dans le temps.
Cette année on a le privilège d'écouter un des meilleurs orchestres au monde, le BBC Symphony Orchestra. C'est la cheffe finlandaise Eva Ollikainen qui dirige l'orchestre avec fougue, précision et enjouement. La Symphonie n°1 en un mouvement de Samuel Barber a été influencée par la septième symphonie de Sibelius. C'est une symphonie néo-romantique américaine qui mérite d'être jouée plus fréquemment. Prestation merveilleuse sous la baguette d'Ollikainen avec une sonorité magnifique des bois et des cuivres, balance parfaite avec les cordes.La compositrice franco-américaine Betsy Jolas a souvent été présente au Printemps des Arts. On attendait beaucoup de sa dernière création bTunes pour piano et orchestre, on est un peu déçu par son manque de substance. Le titre suggestif se réfère au logiciel iTunes et au b de Betsy. Betsy Jolas constate que les dernières années, l'attention du public a considérablement diminué. Elle propose donc pour sa “playlist" une collection de courtes pièces humoristiques. Nicolas Hodges est au piano et il a interprété l'ensemble des œuvres pour piano de Betsy Jolas, il est donc naturel de le retrouver pour cette création.
Deux chefs d'œuvres de Sibelius complètent le programme.Une œuvre de jeunesse, En Saga op.9, fascinant poème symphonique plein de puissance, de mystère et d'inventivité. L'interprétation d'Ollikainen est empreinte de noblesse et de sensibilité. La Symphonie n°7 nous fait voyager hors du temps, dans des espaces infinis, en un mouvement unique, à la fois dépouillé et expressif. La lecture de la cheffe d’orchestre et du BBC Symphony Orchestra atteignent des sommets Perfection de l'équilibre, du legato et de la résonance, des timbres orchestraux. La célèbre Valse triste était un bis évident à ce programme. Tout ce que Sibelius espérait que nous vivrions se trouve ici.
D’autres affiches méritaient le détour comme la venue de Laurence Equilbey à la tête de son orchestre Insula et de l'ensemble vocal Accentus à l’occasion des célébrations de leur 30ème anniversaire. Ces artistes enchantent le public. On découvre des œuvres sacrées et profanes de Mendelssohn, des merveilles musicales.
Carlo Schreiber
Monaco, Printemps des Arts, du 8 mars au 2 avril 2023