Jordi Savall et le Concert des Nations au Namur Concert Hall en ouverture de saison

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Ce samedi 28 septembre a lieu le concert du Concert des Nations au Namur Concert Hall. L’orchestre est placé sous la direction de son fondateur et directeur musical, Jordi Savall. Le Concert des Nations est un orchestre créé en 1989 dont le but est d’offrir des représentations historiques sur instruments d’époque. Trois œuvres sont au programme de cette soirée : la Symphonie n° 8 en si mineur dite « Inachevée » de Franz Schubert, la Symphonie en sol mineur dite « Zwickau » de Robert Schumann et la Symphonie n°0 en ré mineur dite « Die Nullte » d’Anton Bruckner. Ces trois œuvres, interprétées avec la formation instrumentale et les instruments en usage à l’époque de leur création, viennent d’être enregistrées au Grand Manège en vue de la publication d’un nouveau disque. 

Le concert débute avec la célèbre Symphonie n° 8 en si mineur dite « Inachevée » de Franz Schubert. Cette pièce composée en 1822 n’a été découverte que quelques années après la mort du compositeur autrichien. La création de cette œuvre a eu lieu en 1865 à Vienne, soit près de 43 ans après sa composition. Néanmoins, cette création tardive n’empêche pas la symphonie de devenir une pièce phare du répertoire schubertien. 

Dans le premier mouvement, l’Allegro moderato, le choix du tempo est idéal. Cela coule de source et permet à l’orchestre de nous faire une proposition hautement musicale. Il y a une réelle pensée horizontale qui se dégage aussi bien au niveau de la mélodie que de l’accompagnement. De plus, la précision dans les attaques est juste et percutante lorsque cela s’avère nécessaire. Le second mouvement, l’Andante con moto, est assez allant. De beaux moments délicats, avec notamment des solos réalisés avec brio à la clarinette, contrastent avec des passages bien plus dramatiques. Le petit bémol est la projection des bassons et des hautbois qui n’est malheureusement pas optimale, et ce, de manière globale lors de ce concert. Cela peut s'expliquer par l’utilisation des instruments d’époque. La version proposée ce soir reste cependant plus qu’excellente.

La première partie de ce concert se clôture avec la Symphonie en sol mineur dite « Zwickau » de Robert Schumann dans la version la plus complète, à savoir celle de Leipzig. Cette symphonie de jeunesse de Schumann a été composée entre 1832 et 1833 alors qu’il traversait une période compliquée. En effet, il était au milieu d’une crise personnelle remettant son avenir en question. Tout comme la Symphonie Inachevée de Schubert, cette œuvre compte deux mouvements. En revanche, elle ne rencontre pas un grand succès. D’ailleurs, c’est une pièce que l’on ne peut que très rarement entendre en concert. Le début du premier mouvement est détonnant. Une belle énergie règne avec beaucoup de caractères et d’ambiances différentes. L’introduction se poursuit avec un Allegro vif. Le second mouvement est dans la continuité du premier. De forme tripartite, le début de l’Andantino est héroïque tandis que l’intermezzo du milieu, proche d’un scherzo en réalité, apporte une énergie nouvelle. L’apogée dramatique a lieu à la fin de la symphonie. Jordi Savall et le Concert des Nations redonnent du crédit et de la grandeur à cette œuvre méconnue, grâce à leur brillante interprétation.

Après la pause, place à la Symphonie n°0 en ré mineur dite « Die Nullte » d’Anton Bruckner. En réalité, cette symphonie composée en 1869 est, d’un point de vue chronologique, la troisième du compositeur allemand. Initialement, le manuscrit portait le titre de Symphonie no 2. Cependant, Bruckner n’aimant pas sa composition, décide de l’annuler. Cela explique l'absence de numérotation ainsi que son surnom « Die Nullte » (« n° 0 »). La création de la symphonie complète a seulement lieu en 1924. Soit près de 28 ans après le décès de Bruckner. Dans l’Allegro du premier mouvement, la précision est de mise, surtout au vu des nombreuses syncopes. Ces dernières occupent un rôle important dans ce premier mouvement et par extension dans l’ensemble de la symphonie. L’énergie dans les tuttis est vive, tandis que les chorals de cuivres sont chaleureux. L’Andante du second mouvement est très musical avec de beaux contrastes. Le son des cordes est soyeux. La fin de cette partie est d’une grande délicatesse. C’est une interprétation lyrique qui nous est offerte dans ce mouvement. Changement de caractère pour le troisième mouvement. Ce dernier commence avec un scherzo vif et incisif. Le trio est quant à lui d’une douceur certaine, qui contraste avec les deux scherzos qui l’entourent. Le dernier mouvement commence avec un Moderato serein. La transition vers l’Allegro vivace est d’autant plus surprenante et puissante. Ensuite, les violons, accompagnés des vents, nous offrent un moment poignant. Le final, très contrapuntique, nous amène à une conclusion grandiose.

Certes, ce n’est pas la plus grande œuvre orchestrale de Bruckner, mais on peut entendre les prémices des symphonies qu’il composera par la suite. De plus, elle possède tout de même des qualités indéniables soulignées par la prestation du Concert des Nations et Jordi Savall.

En conclusion, c’est un magnifique concert qui nous est offert par Jordi Savall et le Concert des Nations. L’énergie, la musicalité, les contrastes et le caractère étaient au rendez-vous. Mention spéciale pour chacun des pupitres des cordes. Le son d’ensemble de ces derniers était formidable avec une même qualité d’archet homogène. Jordi Savall a mené de main de maître son orchestre pour nous offrir un premier moment inoubliable de cette nouvelle saison du Namur Concert Hall.

Namur Concert Hall, 28 septembre 2024

Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP

Crédits photographiques : David Ignaszewski

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