A Genève, Jordi Savall collabore avec le Ballet Slovène de Maribor

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Durant cette saison 2024-2025, le Service Culturel Migros s’est investi dans une mission didactique qui a permis aux interprètes d’expliquer leur conception d’une œuvre en donnant des exemples musicaux avant d’en livrer l’exécution intégrale. Deux autres programmes ont eu pour but de mettre en valeur la danse en l’intégrant dans un programme de concert, ce qui concède à Jordi Savall dirigeant Le Concert des Nations de tenter l’expérience en collaborant avec le Ballet du Théâtre National Slovène de Maribor.

Sur la seconde partie de la scène du Victoria Hall, prend place Le Concert des Nations qui, sous la direction de son chef fondateur Jordi Savall, présente une Suite d’orchestre tirée du dernier ouvrage lyrique de Jean-Philippe Rameau, Les Boréades, datant de 1764. Dès l’Ouverture, se révèle une magistrale articulation des phrasés où les cors en forme de cornes se taillent la part du lion, avant de revêtir l’Entrée des Peuples d’une cérémonieuse grandeur que semble contredire la Contredanse en rondeau avec ce perpetuum mobile des cordes laissant échapper les bribes d’une joyeuse envolée. L’usage d’une machine à vent dramatise l’apparition des éléments en furie que tenteront d’apaiser les deux flûtes volubiles pimentant les deux Gavottes pour les Heures et pour les Zéphyrs. Les deux Menuets renouent avec le caractère solennel que le violon accapare pour dialoguer avec l’alto. Et la Contredanse très vive confère au Final une effervescence jubilatoire qui a un impact immédiat sur les spectateurs subjugués.

Sans procéder à un entracte, sont amenés à l’avant-scène un caparaçon de cuir noir, une crinoline de métal et deux ou trois cubes servant d’accessoires pour le ballet pantomime de Christoph Willibald von Gluck, Don Juan ou le Festin de Pierre. Créé au Burgtheater de Vienne le 17 octobre 1761, ce ballet d’action qui remporta un grand succès précède de vingt-six ans le Don Giovanni de Mozart. Il ne comporte que quatre personnages, Don Juan, Sganarelle, Donna Elvira et le Commandeur. Dans sa réalisation, le chorégraphe roumain Edward Clug les entoure de trois couples émanant du Ballet du Théâtre National Slovène de Maribor. Au lieu de respecter scrupuleusement l’argument de Gasparo Angiolini inspiré de la comédie de Molière, sa production traduit les états d’âme par une gestique moderne plutôt sobre d’où se détache un Don Juan torse nu malmenant son valet en pourpoint et collerette et faisant des ronds de jambe devant une Elvira hautaine et un Commandeur aussi vite ébauché que disparu. Le regard se fixe sur l’enchaînement rapide des scènes, alors que l’oreille peine à se concentrer sur l’audacieuse partition magistralement défendue par Jordi Savall et son ensemble. Mais la scène du festin avec ses imitations de fourchettes et l’inéluctable descente aux Enfers du dissoluto punito font un effet instantané sur le public qui applaudit longuement danseurs, musiciens et un chef qui semble totalement satisfait de cette surprenante cohabitation.

Genève, Victoria Hall, 26 avril 2025

Crédits photographiques : David Ignaszewski

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