Journée brucknérienne au Festival International George Enescu
Lors de cette nouvelle journée au Festival International George Enescu, un compositeur est à la fête : Anton Bruckner. Le compositeur autrichien, dont on a fêté son 199e anniversaire ce lundi 4 septembre, est à l’honneur avec deux de ses symphonies et non des moindres : la Septième Symphonie en mi mineur WAB107 et la Neuvième Symphonie en ré mineur WAB109.
L’orchestre du Gewandhaus de Leipzig, placé sous la direction d’Herbert Blomstedt, inaugure cette journée avec le Prélude à l’unisson tiré de la Suite N°1 de George Enescu avant de s’attaquer à la Septième Symphonie en mi mineur WAB107 de Bruckner.
Le Prélude d’Enescu est interprété avec intensité par les cordes. La précision rythmique et la justesse sont plus qu’au rendez-vous surtout quand on sait que ce sont près de 60 musiciens qui jouent à l’unisson complet.
Après cette belle mise en route, le premier mouvement de la Septième Symphonie est enchaîné tout de suite, ne laissant pas le temps à l’audience de comprendre que l’œuvre de Bruckner avait déjà commencé puisque l'enchaînement est parfait entre les deux pièces. Cette symphonie constitue un hommage à Richard Wagner, auquel Bruckner vouait une grande admiration. Il se rend d’ailleurs à Bayreuth pour la première de Parsifal en 1882 et rencontre Wagner pour la dernière fois puisque le compositeur meurt en février 1883.
L’interprétation proposée par la phalange allemande et l’illustre chef, âgé de 96 ans, est de la plus grande des qualités. Blomstedt est dans son répertoire-phare et excelle tout en emportant l’orchestre avec lui (pour l’anecdote, c’est ce même orchestre du Gewandhaus de Leipzig qui créa l’œuvre 139 ans plus tôt). La construction musicale des quatre mouvements est formidable, les progressions étant menées intelligemment, la tension augmente pour arriver chaque fois à un point culminant à l’instar du deuxième mouvement par exemple. Le delta des nuances est très impressionnant : les pianos sont à peine audibles tandis que les fortissimos remplissent la salle de l’Athénée Roumain d’un son chaud mais jamais agressif. Dans ces moments majestueux, le public est littéralement plongé auditivement dans le son, la salle étant presque trop petite pour accueillir une telle œuvre avec un tel orchestre. Peu importe, le public acclame longuement la prestation d’exception livrée par les artistes. La standing ovation était inévitable !
Lors du concert du soir au Grand Hall Palace, l’orchestre de la Tonhalle de Zürich, toujours sous la direction de son directeur musical Paavo Järvi, interprète la Neuvième Symphonie en ré mineur WAB109. Cette symphonie compte seulement trois mouvements, Anton Bruckner n’ayant pas eu le temps de terminer le quatrième mouvement avant de mourir. Le premier mouvement allie un côté mystérieux et un côté solennel. Les différents thèmes sont énoncés avec brio. Le deuxième mouvement est probablement un des plus beaux scherzos de Bruckner. L’interprétation est à la fois massive et un peu terrifiante. Cependant, le trio vient contrebalancer cet esprit presque apocalyptique avec le lyrisme dont font preuve les cordes et le sautillement des bois, le tout avec un côté dansant. Le dernier mouvement, l’Adagio, est un adieu à la vie. Il nous incite à l’introspection tellement la musique est puissante et transmet des émotions indescriptibles. Ce mouvement est d’une solennité sans pareille. Notons par ailleurs le magnifique choral des tubas wagnériens. Les musiciens de la Tonhalle de Zürich livrent une très belle prestation avec de nombreux contrastes, de belles nuances et jouent toujours avec autant de passion et d’intensité. Paavo Järvi montre le chemin à suivre à ses musiciens avec clarté et dévouement. Le temps s’est suspendu à la fin de l’exécution de la symphonie où le silence règne avant que le public n’applaudisse chaleureusement les artistes pour cette très belle prestation.
Bucarest, Athénée Roumain et Grand Hall Palace, le 5 septembre 2023
Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP
Crédits photographiques : Renske Vrolijk