Joyce DiDonato à Liège: le “best-of” d’une diva incontournable
C’est un accueil digne de celui d’une rock-star qu’a réservé le public de l’Opéra Royal de Liège à Joyce DiDonato hier soir. On ne présente plus la “diva yankee” à la voix souple et au charisme unique. Originaire du Kansas, la mezzo-soprano s’est forgé une carrière internationale dans les salles les plus prestigieuses depuis ses débuts à l’Opéra Bastille dans le rôle de Rosina du Barbier de Séville de Rossini en 2002.
Elle brille tant dans le répertoire bel cantiste (Rossini, Donizetti, Bellini) que dans Mozart, Haendel ou Berlioz. Et c’est une sorte de petit “best-of” de son répertoire opératique qu’elle a offert au public liégeois. N’oublions-pas de mentionner les interventions de l’orchestre seul dans des Ouvertures et autres extraits exécutés avec précision, légèreté et bon goût.
Mais quand Joyce est sur scène, impossible de la quitter des yeux tant sa présence est hypnotisante. Elle passe d’un personnage à l’autre avec une aisance remarquable. Dans les passages plus joueurs, on se surprend parfois à l’écouter avec un énorme sourire aux lèvres et elle nous emporte pareillement dans de somptueux moments de solennité. Transposées dans un autre corps, ses attitudes scéniques pourraient frôler le sur-jeu; mais chez elle, on ne doute pas que son expressivité est des plus incarnées et des plus sincères!
Joyce DiDonato a le goût du risque lorsqu’il s’agit de s’aventurer dans quelques decrescendi qui flirtent avec les extrêmes du volume sonore audible à l’oreille humaine, ce qui lui a coûté la justesse d’un ou deux aigus quelque peu serrés et sans vibrato.
Cependant, on ne peut qu’être admiratif devant une telle audace, tant l’artiste nous propose une palette de nuances et de timbres variés. Quant aux morceaux les plus acrobatiques, Joyce passe sur chaque vocalise virevoltante, chaque trille kilométrique comme si c’était un jeu d’enfant -un “jeu” plutôt qu’une démonstration vaniteuse de virtuosité. C’est particulièrement flagrant dans le dernier air du programme, Tanti affetti de Rossini (La Donna del lago), avant lequel Joyce raconte au public (en français !) combien elle aime “chanter la paix” dont cet air fait la louange.
Evidemment, le public ne la laissera pas partir sans en demander plus ! Elle répond donc avec “quelque chose de chez moi”... le classique américain Somewhere over the Rainbow.
Ravi par ce petit moment de rêve, le public en réclame encore. C’est alors que le chef Paolo Arrivabeni émerge des coulisses une partition à la main et sourit d’un air interrogateur à la diva qui finit par acquiescer en précisant “je ne suis pas sûre, mais je pense que c’est la dernière fois que je chanterai cet air-là”. C’est la deuxième partie de Una voce poco fa qu’elle offre en bis. En effet, elle ne se voit peut-être pas chanter éternellement le rôle de la jeune Rosina -rôle qui a lancé sa carrière- alors qu’elle approche la cinquantaine. Quoi qu’il en soit, on peut dire que le public espère entendre la rayonnante Joyce DiDonato pendant les longues années à venir,et peu importe le personnage qu’elle incarnera!
Aline Giaux, Reporter de l’Imep
Liège, Opéra Royal, le 24 novembre 2018
Crédits photographiques : Simon Pauly