Korngold et Bernstein ou Korngold et Mozart, choisissez !

par
Korngold Bernstein

Erich Wolfgang KORNGOLD
(1897 - 1957)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35(1)
Leonard BERNSTEIN
(1918 - 1990)
Sérénade d'après le "symposium" de Platon(2)
Liza Ferschtman, violon, Prague Symphony Orchestra, Jiří Malát, direction(1)
Het Gelders Orkest, Christian Vásquez, direction(2)
2018- SACD-58'21"-Textes de présentation en anglais - Challenge Classics CC72755

Korngold MozartErich Wolfgang KORNGOLD
(1897 - 1957)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 35
Wolfgang Amadeus MOZART
(1756 - 1791)
Concerto pour violon et orchestre en la majeur, K. 219
Caroline Goulding, violon, Berner Symphonieorchester, Kevin John Edusei, direction
2018- DDD-53'43"-Textes de présentation en anglais - Claves 50-1808

 

D'abord enfant prodige, le destin d'Erich Korngold change lorsqu'il se décide en 1933 à rejoindre Hollywood poussé par le metteur en scène Max Reinhardt lors de la réalisation de son film sur Le songe d'une nuit d'été. Ce fut une décision judicieuse. Fut-il resté à Vienne et juif de naissance, on ne sait le sort que lui aurait réservé le régime nazi. Pendant une dizaine d'années, il sera donc compositeur de musiques de films. On lui doit la bande originale d'une vingtaine de film dont le célèbre Robin des bois de 1938 avec Errol Flynn pour lequel il reçoit l'Oscar de la meilleure musique de film. A la fin de la guerre, il décide d'abandonner le cinéma et de revenir à la musique dite sérieuse. Mais son style romantique-viennois n'est plus au goût du jour. Il suscite les sarcasmes et jeux de mots plus ou moins virulents : More Corn than Gold (plus maïs qu'or). Cette longue traversée du désert touche à sa fin ; il suffit de compter les nouvelles versions de son concerto pour violon. Le concerto est dédié à Alma Mahler dont le troisième mari, le poète Franz Werfel auteur du Chant de Bernadette vient de mourir. Sa structure est complexe dans la réutilisation de thèmes de ses différents films. Ainsi le premier mouvement, moderato cantabile, est construit sur des thèmes de Another Dawn (la tornade) de 1937 et de Juarez de 1939. La romance, Andante, réorganise la musique du Anthony Adverse de 1936 tandis que l'Allegro Assai final est un rondo varié dont le refrain est tiré du Prince and the Pauper de 1937. C'est Jascha Heifetz qui crée l'oeuvre en janvier 1947. Depuis, elle a été reprise par de nombreux violonistes parmi lesquels Itzhak Perlman, Gil Shaham, Anne-Sophie Mutter, Nikolaj Znaider, Renaud Capuçon, Kristóf Baráti. Les diverses interprétations de premier plan de ce superbe concerto de Korngold ne simplifient donc pas la tâche du commentateur musical car, aujourd'hui, c'est au tour de Liza Ferschtman et de Caroline Goulding de prendre la relève.
La violoniste hollandaise Liza Ferschtman a été demi-finaliste de notre CMIREB en 2001 et 2005, les années de Baiba Skride et de Sergey Khachatryan respectivement. Elle nous offre une belle version avec son jeu très méticuleux qui respecte tous les détails de la partition sans tomber dans le caractère more corn than gold cité plus haut et elle est soutenue dans cette approche par la direction attentive de Jiří Malát. La prise de son live et la présence de l'enregistrement en SACD constitue un indéniable plus de cette prestation.
L'enregistrement de la violoniste américaine Caroline Goulding est le résultat du prix Thierry Scherz attribué lors des sommets musicaux de Gstaad. Elle nous donne également une interprétation sûre, stable et bien assurée de ce même concerto. On aurait pu souhaiter un peu plus d'émotion et de relaxation dans cette musique écartelée entre son caractère sérieux et son origine hollywoodienne.
Les couplages choisis sont radicalement différents.
Liza Ferschtman a choisi de s'attaquer à la Sérénade pour violon et orchestre de Bernstein. On ne sait trop pourquoi Bernstein a abandonné le titre de concerto pour violon initialement retenu pour celui de sérénade pour violon, orchestre à cordes, harpe et percussion d'après le banquet de Platon. Dans celui-ci, lors d'une soirée chez Platon, ses amis discutent de l'Amour. Et chacun (Phèdre-Pausanias, Aristophane, Eryximaque, Agathon et Socrate-Alcibiade) reprend la discussion au moment où le précédent l'a laissée. C'est l'idée de base de Bernstein où chacun des cinq mouvements est issu de thèmes du précédent. Le résultat est une des oeuvres les plus accomplies du compositeur. Dédiée à la mémoire de Serge et Natalie Koussevitsky, elle est créée à Venise en septembre 1954 par Isaac Stern et l'Orchestre Philharmonique d'Israël sous la direction de Bernstein lui-même. Dans les enregistrements, on retrouve Isaac Stern, Zino Francescatti, Itzhak Perlman, Gidon Kremer, Joshua Bell, Hilary Hahn et plus récemment Renaud Capuçon, parmi d'autres. La violoniste hollandaise est ici accompagnée du Gelders Orkest d'Arnhem sous la direction de son chef principal vénézuélien Christian Vásquez. Est-ce le retour au pays qui favorise encore une plus grande fantaisie et une meilleure détente, mais l'interprétation de la sérénade de Bernstein paraît plus enjouée que celle plus sobre du concerto de Korngold. Une version à recommander en cette année du centenaire de la naissance de Bernstein !
Le livret de l'enregistrement de Caroline Goulding justifie le couplage étonnant avec Mozart par la similitude des prénoms des deux compositeurs, Erich Wolfgang et Wolfgang Amadeus, leurs débuts d'enfants prodiges et le caractère autoritaire et dominateur de leurs pères. Goulding a choisi le dernier des concertos de Mozart, écrit à dix-neuf ans, le cinquième en la majeur encore appelé turc dans un épisode caractéristique du rondeau-tempo di minuetto final. La discographie ne manque pas d'interprétations de premier plan depuis Arthur Grumiaux jusqu'à Isabelle Faust. On retrouve la même sécurité de Goulding, amenant parfois à une certaine lenteur ; le rondeau final dure une minute de plus que dans les deux versions Grumiaux (avec Bernard Paumgartner et avec Colin Davis). L'orchestre est parfois trop envahissant pour l'équilibre subtil requis dans les concertos mozartiens.
A vous de choisir donc, entre curiosité et tradition probablement !
Jean-Marie André

Son 10 – Livret 8 – Répertoire 10 – Interprétation 9
Son 9 – Livret 7 – Répertoire 10 – Interprétation 8

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