La vitalité du diable avec Kevin Short

par

Kevin SHORT, Basse. Mephistopheles And Other Bad GuysOrchestre Philharmonique de Marseille. Lawrence FOSTER, dir. 2018- DDD- 57’41- textes chantés en langue originale traduits en anglais- PENTATONE PTC 5186585

Par quelque côté qu’on le prenne, ce disque ne laisse de nous interroger. Son propos ? Parfois égrillard. Ses invectives ? Souvent rustiques. Sa diction ? Parfois vériste, parfois retenue. Son sifflet ? Grivois et sentant l’outrage. La voix même ? Sonore, mate, rugueuse. Quant au rapport avec un orchestre parfois un peu balourd, il est assez inhabituel. Et pourtant… on ne peut se défendre d’un attachement croissant pour ce personnage qui gronde, frémit, bouscule et nous remue, car vivant et sûr de lui. L’élocution claire et dynamique (Beethoven) le rapproche encore de nous ; ses incarnations de Pagano (I Lombardi), d’Osmin (Entfürhung) ou de Kaspar (Freischutz) saisissantes de verve appellent la scène. Mais pourquoi donner Moussorgsky dans l’âpre version de Stravinsky et un extrait du Rakes’ Progress, pâle créature théâtrale d’un compositeur qui reste avant tout le maître du Sacre du Printemps ?… Nick Shadow le bien nommé ne sort ici de l’ombre que grâce à l’investissement du chanteur. Les autres diables, « mauvais garçons » et même noires figures plus méchantes que gouailleuses, tel un Pizzaro glaçant ou un Albérich ample et bien chantant, relèvent des meilleures traditions méphistophéliques (Gounod, Boito, Berlioz). Et puis, finalement, n’est-ce-pas le destin de Satan que de chérir l’ambiguïté ?

Bénédicte Palaux Simonnet

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