La Dame de Pique à Nice

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La nouvelle production de la Dame de Pique de Tchaïkovski, à l'Opéra de Nice est une réussite. Le partenariat avec les opéras de Toulon, Marseille, et Avignon nous offre la possibilité d'assister à un spectacle imposant.

C'est Modeste Tchaïkovski, le frère du compositeur qui a réécrit la nouvelle de Pouchkine. L'officier Hermann est amoureux de Lisa, qui est promise au Prince Eletski. Afin de gagner au jeu la fortune grâce à laquelle il pourra épouser la jeune femme, Hermann décide de découvrir le secret de la vieille Comtesse, la grand-mère de Lisa. Trois cartes permettent de gagner systématiquement au "jeu de pharaon". Le jeu, l'amour impossible, le destin, la mort sont les thèmes principaux de ce récit fantastique. La distribution vocale est magnifique, que ce soit dans les rôles principaux ou les personnages secondaires. Le ténor russe Oleg Dolgov incarne parfaitement le rôle d’Hermann, héros malchanceux au jeu et en amour.                                        

Le baryton russe Alexander Kasyanov, imposant par son physique et sa voix puissante, campe le rôle de Tomski qu’il avait déjà interprété il y a quatre ans sous la direction de Mikhail Jurowski. Last but not least, le baryton roumain Serban Vasile qui tenait la saison dernière le rôle-titre de Macbeth sous la direction de Ricardo Muti, se révèle ici un Prince Eletski dans toute sa superbe. Il est touchant et très applaudi après le fameux air " Ja vas lyublu" (Je t'aime au-dessus de tout). Les rôles féminins sont tenus par la jeune soprano Elena Bezgodkova, idéale par sa jeunesse et par sa fraîcheur dans le rôle de Lisa. L'étonnante Marie-Ange Todorovitch, fort grimée dans le rôle de la vieille Comtesse, nous surprend par la métamorphose de son physique et de sa voix, qui vibre et devient chevrotante d'émotion en se remémorant des nobles qu'elle a côtoyés dans sa jeunesse. Elle chante en passant du russe au français, tel que l'a écrit Tchaïkovski. Et on retrouve avec plaisir la merveilleuse Eva Zaïcik (deuxième lauréate du Concours Reine Elisabeth en 2018) dans le rôle de Polina. Ils nous enchantent tous dans ces airs merveilleux de Tchaïkovski.

La partie orchestrale ressemble à une symphonie avec toute sa richesse sonore. György Rath directeur artistique de l'Orchestre de Nice, mène son orchestre avec maestria.

Olivier Py est un phénomène, un homme de théâtre complet. Directeur du Festival d'Avignon depuis 2013, écrivain, acteur, metteur en scène de théâtre et d'opéra, il est reconnu internationalement même s'il ne fait pas toujours l'unanimité. On le retrouve régulièrement à l'Opéra de Paris, à Lyon, au Liceu de Barcelone et à La Monnaie. Il se révèle également travesti en chanteuse désabusée dans un théâtre-cabaret sous le pseudonyme de "Miss Knife".

En parcourant le site de l'Opéra de Nice, on découvre le teaser de La Dame de Pique durant une minute qui laisse déjà présager une mise en scène provocatrice, mais qui tient parfaitement la route. Olivier Py revisite l'opéra de Tchaïkovski. Il projette l'image du compositeur dans le rôle du héros et trace un parallèle intéressant avec le ballet Le Lac des cygnes. Un excellent danseur habillé en cygne tantôt noir tantôt blanc est omniprésent tout au long de l'intrigue. Il reflète la complexité et les obsessions du compositeur. Les choeurs sont placés sur trois niveaux différents, dans une structure pesante. Les décors et les costumes de Pierre-André Weitz, fidèle collaborateur de Py depuis 1989, sont uniquement gris, noirs et blancs. Ils nous plongent dans un univers angoissant et crépusculaire.

Voici un spectacle complet qui ne laisse pas indifférent.

Nice, Opéra, 1er Mars

Crédits photographiques : Dominique Jaussein

Carlo Schreiber

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