A la découverte de Clement, le créateur du concerto pour violon de Beethoven

par

Franz Joseph CLEMENT (1780-1842) : Concertos pour violon et orchestre n° 1 et n° 2. Mirijam Coentzen ; WDR Sinfonieorchester, direction : Reinhard Goebel. 2020. Livret en anglais et en allemand. 71.32. Sony 19075929632.

Puisque c’est l’anniversaire Beethoven, le moment est idéal pour s’intéresser à des personnalités qui ont gravité autour de lui. Le label Sony s’inscrit dans cette optique en proposant le premier volume d’une série intitulée « Le monde de Beethoven », sous la direction artistique de Reinhard Goebel. Franz Joseph Clement, qui donna en première mondiale le Concerto pour violon du maître de Bonn au Theater an der Wien, lors d’un concert de bienfaisance le 23 décembre 1806, est le premier à être mis en évidence. Les deux hommes avaient joué ensemble, dans la même salle, l’année précédente, le 7 avril 1805, lorsque Beethoven dirigea la première audition publique de l’Héroïque ; Clement avait profité de l’occasion pour jouer son propre Concerto n° 1. Soliste acclamé, le violoniste avait la réputation de pouvoir jeter un simple coup d’œil sur une partition et de l’interpréter en la déchiffrant. Il semble que cela arriva aussi lors de la première du concerto de Beethoven, qui apporta des retouches jusqu’au dernier moment. Clement, qui aimait se faire valoir, avait insisté pour que le Rondo final utilise un thème qu’il avait composé. Il joua sans répétition préalable et se permit de se lancer dans des pièces de son répertoire pendant l’exécution, coupant l’oeuvre de Beethoven en deux, ce qui lui enlevait son unité et eut pour conséquence un accueil mitigé du public et de la critique. Ce type d’initiative ne plut pas au compositeur. Les relations entre les deux hommes se détériorèrent à tel point que, par la suite, Clement céda sa place à un autre virtuose, Ignaz Schuppanzig, qui avait donné des leçons de violon à Beethoven et était l’un de ses amis. 

Clement était aussi compositeur à ses heures, mais ce domaine n’était pas prioritaire. Né à Vienne, enfant prodige, il s’était fait connaître dès ses dix ans en se produisant à la Cour du Roi de Bohème à Prague. Il aurait reçu ensuite à Londres des rudiments de composition par Haydn, avec lequel les relations auraient été difficiles. Il bénéficia malgré tout de l’un ou l’autre concert lors de bref son séjour anglais. On le retrouve en 1802 au Theater an der Wien, comme chef d’orchestre ; là, il dirige de son violon. Son Concerto n° 1 date de 1805. On le connaît par un enregistrement réalisé par l’Américaine Rachel Baton Pine en 2008 avec le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par José Serebrier (un CD Cedille). C’est une partition assez vaste, de près de trente-cinq minutes, qui a sans doute suscité l’inspiration de Beethoven, même si le contenu n’en a pas la même portée. Le violon est cependant bien mis en valeur, Clement assurant un équilibre entre son instrument, radieux et spontané, et l’orchestre, tâche qu’il réussit assez bien. La violoniste germano-japonaise Mirijam Coentzen, née à Munster et découverte par Tibor Varga, s’est spécialisée dans un répertoire moins répandu. Elle démontre ici la finesse de son jeu, mettant en valeur l’imagination lyrique et racée de Clement, à laquelle elle ajoute le sens d’un dialogue nourri avec la phalange de la WDR que Reinhard Goebel dirige avec un soin attentif.

Le Concerto n° 2 est une première mondiale en CD. Si le Concerto n° 1 précédait celui de Beethoven, le suivant est daté, lui, d’après 1806, et on constate que, cette fois, l’inspiration s’est inversée : on y trouve, dans le Rondo Allegro final des réminiscences beethoveniennes, notamment par un fragment au cours duquel interviennent les timbales. L’ambition de Clement apparaît plus grande : l’orchestre ouvre le Moderato initial par une large intervention qui est déjà d’essence romantique, le violon se déployant ensuite avec souplesse et légèreté, dans un contexte qui rappelle que l’écriture est celle d’un virtuose de l’archet. La cadence enlevée sollicite la richesse de son jeu. Le tout se termine dans une atmosphère brillante qui permet à Mirijam Coentzen, comme dans la partition précédente, de faire état de sa chaude éloquence. Ici encore, elle bénéficie d’un décor orchestral bien équilibré.

Cette publication est utile et bienvenue dans le contexte du projet qu’elle met en place ; elle permet de mieux connaître cette personnalité de l’époque de Beethoven et de découvrir des pages intéressantes. On annonce un nouveau volume pour le mois de mai. D’autres contemporains de Beethoven attendent !

Son : 9   Livret : 8   Répertoire : 8   Interprétation : 8

Jean Lacroix

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