La diversité des Concertos pour clavier de Bach en trois concerts

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Du 23 au 25 octobre, à l’Auditorium de Radio France (Paris), trois ensembles et six solistes ont joué quatorze Concertos pour clavier de Johann Sebastian Bach en trois séances. Les interprétations de ces Concertos (treize présentés en concert et un enregistré lors de la répétition générale, en raison des restrictions appliquées qui ont limité la durée de chaque concert, soit environ une heure sans entracte) étaient aussi variées que la diversité de l’écriture du Cantor.

Avec un ensemble de cinq musiciens d’instruments à cordes (excepté deux flûtistes à bec qui ont rejoint le Café Zimmermann pour le Concerto en fa majeur BWV 1057 le premier jour), chaque soliste procède à un dialogue à sa manière pour ces transcriptions d’après des œuvres existantes (dont la plupart pour violon) qui ne comportent pas d’indication précise quant à l’instrument sur lequel ils doivent être joués.

Le vendredi 23 octobre, Céline Frisch, l’une des fondatrices du Café Zimmermann, est dans son élément. On remarque tout de suite la grande fluidité dans son jeu pourtant rigoureux (ré mineur BWV 1059) ; dans l’ "Aria" de la même œuvre, cette fluidité est douce et gracieuse, offrant un moment particulièrement avenant. Sa virtuosité éclatante dans le ré mineur BWV 1052 revigore et rafraîchit l’esprit. Le Concerto en fa majeur BWV 1057 par Béatrice Martin est bien « assis », autant sur le plan du tempo que dans la construction. Son jeu est affirmatif, rythmé et dynamique. Enfin, dans le Concerto pour deux clavecins en ut mineur BWV 1060, Céline Frisch et Carole Cerasi ne s’aventurent guère dans leur interprétation qui demeure assurée et assurante.

Le lendemain, outre les trois clavecinistes de la veille, nous entendons Frédérick Haas et Justin Taylor, tous avec l’Ensemble Ausonia. Le Concerto en la majeur BWV 1055 qui ouvre le bal est hésitant et bancal ; ni Frédérick Haas ni l’Ensemble ne réussissent à donner son caractère à chaque mouvement. Béatrice Martin rejoint ensuite à Frédérick Haas pour le double Concerto en ut majeur BWV 1061. Son dynamisme est intact, elle fait sortir une belle résonance dans une vision globale de l’œuvre, notamment dans la fugue finale, avec une considération attentionnée envers les musiciens. Dans le mi majeur BWV 1053, Carole Cerasi offre un contraste saisissant entre les deux mouvements extrêmes et la "Sicilienne" centrale, les uns avec une énergie communicative et l’autre dans une délicate linéarité berçante. Enfin arrive le Concerto à trois claviers en ut majeur BWV 1064 où Justin Taylor se démarque par son naturel et sa grande aisance ; il instaure un dialogue heureux avec Céline Frisch ainsi que les instrumentistes davantage inspirés. La claveciniste offre une éblouissante cadence dans le mouvement final, avec une propulsion irrésistible et fraîche. Dommage que le jeune homme n’ait pas eu davantage l'occasion de s’exprimer, une autre cadence par lui aurait été une grande joie pour l’auditoire étant donné le bonheur qu’il montre explicitement au le clavier.

Le concert final du dimanche 25, cinq concertos par Le Consort, est une véritable liesse musicale. Olivier Beaumont, en maître en la matière, interprète le fa mineur BWV 1056 avec rigueur et un sens de détail propre à un musicien aguerri. Il est rejoint par Justin Taylor dans le double Concerto en ut mineur BWV 1062 où les deux clavecinistes rivalisent de talent tout en affichant leur harmonieuse complicité. Taylor revient ensuite pour le sol mineur BWV 1058. Une fois de plus, sa joie de jouer rend toute la salle heureuse, comme les échanges de regards souriants entre les musiciens. Son expressivité est particulièrement remarquable dans la beauté apaisante de l’ « Andante ». Ensuite, Béatrice Martin se lance elle aussi avec liberté, en compagnie du Consort, dans le Concerto en ré majeur. L’ « Adagio e piano sempre » est somptueux malgré la sobriété de la partition, son énergie dans le final exhorte l’esprit. Pour conclure, le Concerto pour quatre claviers en ut majeur BWV 1065 (arrangement pour quatre violons de Vivaldi) par nos trois clavecinistes et Carole Cerasi est un splendide bouquet final. Belle conversation entre tous les musiciens, détails précis et soignés, ornements naturels et élégants… Toutes ces remarques valent aussi aux musiciens du Consort, l’autre protagoniste de ce dernier concert. La pulsation innée des cinq instrumentistes, tous aussi excellents les uns que les autres, transforme chaque œuvre en une véritable fête. Les cordes sonnent tantôt comme un orchestre fourni tantôt comme des solos, changeant de visage et s’adaptant à chaque partition. La richesse de la sonorité est à la mesure de la liberté avec laquelle ils s’expriment, tout en restant dans un cadre rigoureux et ordonné. Le premier mouvement à la fois bien rythmé et fluide de cette même œuvre conclut les quatorze Concertos pour clavier marqués par la diversité de jeux et d’interprétations.

Crédits photographiques : Géraldine Aresteanu et Jean-Baptiste Millot

Victoria Okada

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