Passage de relais au Printemps des Arts 

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Le Printemps des Arts 2021 de Monte-Carlo se termine avec un week-end contrasté dans son affiche. Le public ne peut que ressentir un pincement au coeur avec le départ du compositeur Marc Monnet de la direction artistique du Festival monégasque, qui passe le relais à son confrère Bruno Mantovani. 

Deux récitals de clavecin au Musée Océanographique étaient au programme de la première journée. Le projet "Musique française pour clavecin du XVIIe et XVIIIe siècles" était prévu l'année passée. C'est le seul projet avec les récitals d'Aline Piboule et de Marie Vermeulin qui a pu être reporté, car la programmation 2021 était déjà bouclée.

Olivier Beaumont est un merveilleux claveciniste et tout est fignolé dans les moindres détails. Il nous fait voyager en une heure sur deux siècles de musique française, avec des oeuvres de Jacques Champion de Chambonnières à Claude Balbastre, en passant par des compositeurs plus connus comme Louis Couperin et son neveu François Couperin et Jean-Philippe Rameau.

De ce dernier, on écoute avec plaisir quelques airs et danses de son opéra-ballet Les Indes Galantes transcrites pour clavecin par Rameau lui-même. Après une belle ovation Olivier Beaumont offre deux bis dont les exquises Étoiles de Michel Corrette.

C'était Andreas Staier qui devait assurer le deuxième récital, mais avec la situation sanitaire, il n'a pas pu quitter l'Allemagne. Pierre Hantaï avait donné un récital quelques jours auparavant et Marc Monnet lui a demandé s'il pouvait remplacer  "in extremis" son confrère.  Hantaï a donc suggéré de proposer un programme différent avec des partitions de Rameau, de Louis et de François Couperin mais également de Haendel et de Bach inspirées par la musique de danse française.

Pas le temps d'imprimer les notices des oeuvres, Hantaï les a donc commentées avant de les jouer. Un prélude extrait des Boréades de Rameau, trois pièces de François Couperin aux titres malicieux La linotte effarouchée, La Superbe et La petite pince sans rire. Dans la Suite en ré mineur de Haendel, le public reconnaît le fameux air de la Sarabande utilisée par Stanley Kubrick dans son sublime film Barry Lyndon.

Louis Couperin est mort à 35 ans et son oeuvre n'a pas été éditée. Il n'y a par conséquent pas d'indications de tempos et l'interprète est entièrement libre. Bach par contre notait tout, les nombre de mesures sont calculés suivant un symbole religieux. Pierre Hantaï joue la Suite en sol mineur d'après la Partita en ré mineur BWV 1004 pour violon solo.  Bach jouait ses oeuvres pour violon au clavier. Hantaï joue ici la transcription de son mentor le claveciniste Gustav Leonhardt. Les mouvements rappellent les danses : allemande, courante, sarabande, gigue et chaconne.

Pierre Hantaï est un musicien phénoménal, extraverti et très charismatique. Son enthousiasme est communicatif. Le temps passe si vite qu'on oublie presque l'heure du couvre-feu... Le public l'acclame et attend les bis qu'il donne avec bonheur. C'est un moment de partage intense.

En prélude au dernier concert du festival, quelques élèves des écoles de musique et du conservatoire de la région jouent trois courtes pièces qu'ils ont apprises avec Gérard Pesson, le compositeur en résidence de cette édition. C'est une belle occasion pour ces jeunes de se produire en public.

Un des projets de Marc Monnet était de faire connaître l'œuvre symphonique de Franz Liszt,  des partitions sont peu ou jamais jouées. Toutes les œuvres programmées étaient donc jouées pour la première fois à Monte-Carlo, à-part la Totentanz pour piano et orchestre.

Marc Monnet a fait appel au chef hongrois Gergely Madaras. Il dispose d'une autorité naturelle et suscite l’engagement total des musiciens de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo. Le résultat est magique.

Von der Wiege bis zum Grabe est le dernier poème symphonique de Liszt, il date de 1883, l'année de la mort de Wagner. Tout est grand, large et puissant sous la baguette du chef, d'emblée fort inspiré au pupitre de la phalange monégasque. 

La Grande Fantaisie symphonique sur des thèmes de Lélio de Berlioz, pour piano et orchestre, et la Totentanz permettent de retrouver le  pianiste tchèque Ivo Kahanek, le virtuose déjà invité en 2017. C'est un géant du piano, très virtuose, qui sait passer d'une violence percussive à une douceur poétique. Il rappelle Sviatoslav Richter. On est fort impressionné par son interprétation de la Totentanz.  

Gergely Madaras termine le programme par Festklänge. L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo brille de tous ses feux sous la baguette du prodigieux Gergely Madaras, ce qui leur vaut une ovation triomphale.

Trois artistes très proches de Marc Monnet tiennent à lui rendre un hommage en musique. L'étonnante percussionniste Adélaïde Ferrière irradie dans une partition de Xenakis. Le pianiste François-Frédéric Guy qui a marqué le festival il y a douze ans en jouant les 32 sonates de Beethoven en quelques jours, et il y a deux ans, un an avant le 250e anniversaire de sa naissance, les cinq concertos pour piano et orchestre, joue ici La lettre à Albertine suivie de la première pièce du livre 1 du cycle En pièces intitulée "Eclats" composées par Marc Monnet.  Le pianiste français et le violoncelliste Marc Coppey jouent pour terminer la Sonate n°4 opus 102/n°1  de Beethoven.

C'est un moment d'émotion intense suivi d'une standing ovation célébrant Marc Monnet qui a rempli la difficile mission de conquérir un public de plus en plus nombreux et fidèle, en le surprenant par une programmation audacieuse. Le Prince Albert a tenu à être présent à ce dernier concert. Le Prince et sa soeur la Princesse Caroline ont apporté leur soutien et leur confiance à Marc Monnet, tout au long de cette merveilleuse aventure.

Monte-Carlo, Musée Océanographique et Audirorium Rainier III, 10 et 11 avril 2021.

Calo Schreiber

Crédits photographiques : © Balazs Borocz-Pilvax

Le Printemps des Arts de Monte-Carlo

Le printemps des Arts de Monte-Carlo 2021

 

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