La face méconnue du génie de Roland de Lassus

par
Oracula

Roland de LASSUS
(1532 - 1594)
Oracula: Lectiones sacrae novem extraites du livre de Job-Prophetiae Sibyllarum
Daedalus, dir.: Roberto FESTA
2005-DDD-57'12-Textes de présentation en anglais, français et allemand-Alpha 337

On s'étonnera de la photo aérienne d'un camp de réfugiés qui orne cette réédition d'un disque de 2005. A part cela, on ne pourra que louer l'excellence de l'interprétation, délicate et épanouie, de ces pages merveilleuses mais sombres, qui ne comptent pas au nombre des plus connues de Roland de Lassus. Les deux ensembles qui nous sont proposés ont en commun le thème de la révélation prophétique, puisque les textes puisent dans les écrits de prophètes et de sibylles (« êtres inspirés »), d'où le titre d'Oracula donné à l'album. Paroles d'extase aux révélations parfois terribles, où s'exprime la fureur, elles sont dites cependant, comme le soulignait Héraclite, « sans sourire, sans ornement et sans fard », ce que nous rappelle la notice. C'est la raison pour laquelle ces accents pourront paraître fort austères, surtout venant d'un compositeur que l'on connait pour son exubérance, tant dans la musique sacrée que profane, souvent spectaculaire. Ici l'introspection domine tout, sans violence mais implacable et sans réplique. Les Prophetiae Sibyllarum comportent, en plus d'une introduction, appelée carmina chromatico, douze pièces, chacune d'entre elles étant dédiée à l'une des devineresses sibylles. Le caractère chromatique était devenu courant dans l'art madrigalesque de la seconde moitié du 16ème siècle. Lassus l'utilise cependant de manière tout à fait personnelle, étonnante, « bizarre » et qui « échappe à toute analyse » pour reprendre une fois encore les mots de la notice: une écriture énigmatique, à l'instar des textes choisis. Les Lectiones sacrae novem, tirées du livre de Job, sont sombres, voire lugubres, ce que reflète la musique. Pourtant, le talent de Roberto Festa et de son ensemble Daedalus parvient à y instiller une lumière et une douceur qui apportent à ces pages une aménité et une séduction certaines, comme des invites à accepter ces paroles qui troublent avec sérénité; cela, leurs rares prédécesseurs ne l'avaient pas vraiment réussi. Un disque très utile pour compléter sa connaissance du plus européen des génies musicaux du 16ème siècle.
Bernard Postiau

Son 10 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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