L’Angelica de Porpora, première mondiale en vidéo

par

Nicola Porpora (1686-1768) : L’Angelica, sérénade pour six voix et instruments.Teresa Iervolino (Orlando) ; Paola Valentina Molinari (Medoro) ; Ekaterina Bakanova (Angelica) ; Gaia Petrone (Licori) ; Sergio Foresti (Titiro) ; Barbara Massaro (Tirsi) ; La Lira di Orfeo, direction Federico Maria Sardelli. 2021. Notice en italien et en anglais. Pas de livret, mais synopsis dans les deux langues. 147’ 00’’. Un DVD Dynamic 37936. Aussi disponible en Blu Ray. 

C’est à Naples, dont il est originaire et où il a débuté, que Nicola Porpora donne, le 4 septembre 1720, sa sérénade pour six voix et instruments L’Angelica, à l’occasion de l’anniversaire de l’Impératrice Elisabeth Christine, épouse de Charles VI. Avec le recul, l’événement prend une dimension historique sur le plan musical : Il s’agit du premier livret signé par Piero Trapassi, connu sous le nom de Métastase, qui n’a que vingt-deux ans, et de la première apparition en public d’un jeune chanteur de quinze ans, Carlo Broschi, que l’on surnommera Farinelli. 

Construite en deux parties de longueur quasi égale, dans une alternance d’arias lyriques et de récitatifs expressifs, avec une musique séduisante, L’Angelica fait l’objet d’une première mondiale vidéographique, filmée les 30 juillet et 3 août 2021, lors du 47e Festival Valle d’Iltria de Martina Franca, dans les Pouilles. Une fois de plus tirée de l’inépuisable source que représente l’Orlando furioso, le chef-d’œuvre de l’Arioste qui date du début du XVIIe siècle, l’action tourne autour de la jalousie d’Orlando à la recherche d’Angelica, princesse magicienne, qui partage un amour bucolique avec Medoro. Orlando la retrouve ; pour le calmer, elle simule l’amour. Orlando s’en rend compte. Le librettiste ajoute trois personnages au trio de base ; Licori, qui aime Tirsi, est chargé d’éloigner Angelica de Medoro en la séduisant, mais il échoue. En fin de compte, Angélique demeure fidèle à Medoro, Tirsi convole avec Licori et Orlando, furieux, sombre dans la folie.

Pour cette production, le renommé costumier romain Gianluca Falaschi assure aussi la mise en scène. Ce n’est hélas pas un domaine dans lequel il fait preuve de beaucoup d’imagination. Pendant les plus de deux heures que dure le spectacle, le spectateur n’a pour décor qu’une grande table de fête à tapis blanc qui prend toute la place et est saturée de fruits en abondance et de multicolores bouquets de fleurs. C’est peut-être joli au premier abord, mais on est très vite lassé par le manque d’action, celle-ci se déroulant dans cet espace où évoluent les six protagonistes, ainsi que des figurants travestis (transgenres ?) qui, d’abord placés derrière des panneaux transparents, vont peu à peu être envahissants, munis d’accessoires aquatiques dont on saisit mal le sens, des masques occasionnels venant compléter une scène que les lumières de Pasquale Mari ne rendent pas plus dynamique. Même si Gianluca Falaschi réussit mieux les costumes et leurs couleurs, c’est insuffisant pour apprécier comme il le faudrait l’aspect visuel. On peut l’oublier pour se concentrer sur le chant et sur la musique. 

Le plateau vocal apporte des satisfactions, mais se révèle inégal. La mezzo-soprano Teresa Iervolino, dans le rôle d’Orlando, illustre de façon convaincante les tourments d’un cœur passionné, avec des moments d’excellence virtuose, en particulier à la fin de la sérénade, quand la folie l’emporte. La soprano russe Ekaterina Bakanova, qui s’est déjà illustrée dans Donizetti ou Verdi, est une remarquable Angelica, aussi efficace dans les plaintes que dans la ruse. On salue ses arias très réussis, notamment le superbe Lo dico all’antro addio, avant la folie d’Orlando. Pour compléter le trio principal, la soprano Paola Valentina Molinari est touchante en Medoro, mais se situe un degré en-dessous en termes d’incarnation. Le couple de bergers est inégal : la soprano Barbara Massaro est une Tirsi instable dans les vocalises et la mezzo Gaia Petrone, qui ne manque pas de couleurs en Licori, use un peu trop du vibrato : l’air sublime Ombre amene en souffre. Quant au baryton Sergio Foresti, il pèche quelque peu au niveau des graves. 

Le chef Federico Maria Sardelli, originaire de Livourne, est aussi musicologue et compositeur. Il met bien en évidence la vivacité et les nuances d’une partition divertissante. Flûtiste de formation, Il soigne les parties concertantes, mais n’évite pas l’un ou l’autre manque de justesse au niveau des cordes. Il y a cependant du raffinement, de la transparence et de la musicalité.

Etant une première en vidéo, L’Angelica de Porpora mérite l’attention. Mais on pourrait très bien se passer de l’aspect visuel, sans pour cela moins apprécier la sérénade. Il faut savoir que, simultanément à cette parution, le label Dynamic a mis sur le marché cette même production sous la forme d’un coffret de deux CD. Il est donc tout à fait possible de savourer l’œuvre en se contentant de l’audition sans images. Le choix est laissé au mélomane…

Note globale : 6,5

Jean Lacroix  

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.