Le 9e Festival Debussy a bien eu lieu en format réduit

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Depuis une dizaine d’années, le Festival Debussy, à Argenton-sur-Creuse, à 30 km de Nohant, a établi sa réputation d’événement estival convivial et accueillant au pays de George Sand. La Coronavirus a failli avoir raison des organisateurs qui ont tenu bon. Ils ont maintenu la manifestation, du 23 au 26 juillet, avec les concerts organisés entièrement en plein air et une jauge de 150 personnes au lieu de 450. Pour le concert du soir, les artistes se sont produits deux fois, chaque concert ayant une durée de 45 à 50 minutes sans entracte. Une vingtaine d’artistes sont montés sur la scène installée sous une immense tente, au Jardin de la Grenouille. Nous y étions présents les deux derniers jours, les 25 et 26 juillet.

La soprano Marie Perbost revient au Festival sept ans plus tard, avec le programme « Une jeunesse à Paris » qu’elle a publié au disque en 2019 (Harmonia Mundi). Au cours des « causeries » avec Jean-Yves Patte qui ont précédé le concert, la Révélation lyrique des Victoires de la musique 2020 fait part de sa volonté de mêler mélodies, airs d’opérettes et chansons, trois genres qui, de la fin du XIXe siècle à la Belle Epoque, étaient étroitement liés. En effet, elle les aborde avec la même exigence et le même plaisir, et sa joie est plus contagieuse que la COVID-19 ! Marie Perbost met en relief toutes les spécificités des textes et chante comme s’il s’agissait de ses propres vécus. Ses yeux et son visage expressifs, ses gestes naturels rendent l’interprétation extrêmement vivante. La pianiste Joséphine Ambroselli Brault, discrète à côté de cette personnalité musicale agréablement dominante, se montre une complice indispensable. Dans les Ariettes oubliées dont elles présentent pour la première fois au public le cycle complet, la sonorisation pour le plein air n’est pas aussi favorable que le reste du programme ; le caractère intime se perd à cause du son électronique qui amplifie le timbre ouvert, lumineux et solaire de la cantatrice…
Le soir, en deux séances, l’accordéoniste Félicien Brut, grand habitué du Festival, apparaît avec la trompettiste Lucienne Renaudin-Vary et le contrebassiste Edouard Macarez. Leur programme éclectique parcourt une large période, de Delibes à Bernstein, de Rossini à Richard Galliano, en passant par Chostakovitch, Richard Rodgers et Piazzolla. Quelques compositeurs méconnus comme Carl Höhne, Victor Dinikov ou encore Jo Privat y figurent à côté de Marcel Azzola (qui accompagna Jacques Brel, Barbara, Yves Montand, Juliette Greco…) et Jo Privat (compagnon musical de Django Reinhardt et autres guitaristes manouches). Avec souplesse, la trompettiste, Révélation Soliste instrumental aux Victoires de la musique en 2016, fait sonner brillamment son instrument pour les mélodies à caractères fort différents (Delibes, Rossini, Bartok) tout en dansant pieds nus. Puis Edouard Macarez se montre ample et lyrique (Adagio du ballet Ruisseau Clair de Chostakovitch) et exaltant (Piazzolla & Cavaquinho, Dinikov). Ensuite, les trois musiciens jouent de couleurs et de timbres dans un répertoire du XXe siècle où chacun(e) a sa part. Une bonne entente et des échanges souvent amusants entre eux ainsi que des histoires et des blagues racontées par Félicien Brut, relient les pièces musicalement et stylistiquement assez éloignées. En bis, For me Formidable de Charles Aznavour où Lucienne Renaudin Vary s’improvise chanteuse !

Le dimanche au début de l’après-midi, le harpiste Sylvain Blassel, la flûtiste Marine Perez et l’altiste Lou Chang (du Quatuor Hermès) jouent en solo, en duo et en trio. Des œuvres du XXe siècle (Debussy, Ravel, Messiaen et Takemitsu) sont au programme. Marine Perez, la flûte solo de l’Orchestre Philharmonique de Stuttgart, joue ce jour une flûte romantique au son boisé. Dans l’arrangement de Cinq mélodies grecques, ses aspirations et inspiration remplacent le chant ; les paroles ne sont plus nécessaires pour apprécier pleinement la musique. Un autre arrangement magnifiquement réalisé, de Louange à l’éternité de Jesus de Messiaen, est présenté en duo harpe-alto alors que le compositeur n’a pas écrit une seule note pour la harpe ! Les trois musiciens proposent And then I knew twas wind de Takemitsu, habituellement interprété après la Sonate pour flûte, alto et harpe de Debussy, avant celle-ci. Ainsi, le concert se termine non pas dans la réminiscence debussyste nostalgique dont Takemitsu introduit savamment des motifs dans son œuvre, mais avec une affirmation résolue de chaque instrument à travers le 3e mouvement de la Sonate, comme si les musiciens voulaient affirmer leur volonté de jouer devant et pour le public.
Les deux derniers concerts (16h30 et 18h30) sont présentés par le clarinettiste Pierre Génisson et le Quatuor Hermès. D’abord, le Quintette avec clarinette de Mozart est présenté comme une source d’inspiration et d’écriture pour cet instrument à vent. Il est suivi de l’évocation de Benny Goodman avec des pièces de Gershwin et du répertoire klezmer. Le programme propose ainsi différentes facettes de la clarinette. Pierre Génisson est à la fois subtil et dynamique dans toutes ces partitions : de la beauté et la simplicité mozartienne à la fantastique virtuosité de Goodman, notre clarinettiste incarne chaque note de telle manière que le spectateur respire la musique avec lui. À ses côtés, le Quatuor Hermès évolue avec autant de grâce que de vivacité. Comme dans tous les concerts, les musiciens donnent des clés d’écoute pour chaque œuvre, parfois agrémentées d’anecdotes.

Mené par une équipe soudée et motivée, accompagnée de bénévoles dévoués, le Festival Debussy est un événement où la communion entre les musiciens et le public est plus que palpable. On y vient pour se faire plaisir et pour faire plaisir aux autres !

Photos © Mathias Nicolas-photographe

Victoria Okada

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