Hommage à Ysaÿe à l’Auditorium du Louvre

par

L’Auditorium du Louvre a programmé à la mi-mars trois concerts en hommage à Eugène Ysaÿe. Légende du violon, Ysaÿe était également un défenseur infatigable de la musique de ses contemporains dès lors les programmes proposés mettaient l’accent sur des œuvres de Ravel, Fauré, Chausson et Franck. Trois jours de bonheur musical intense, avec des musiciens choisis parmi les meilleurs de la jeune génération.

Le 14 mars, le premier concert se déroule à l’heure du déjeuner. Au programme figurent, aux côtés de la Quintette pour piano et cordes n° 1 de Fauré, deux pièces d’Ysaÿe rarissimes en concert : la Sonate pour deux violons de 1915 et le Trio pour deux violons et alto « Le Londres » de la même année. Pour la Sonate, Vladislava Luchenko et Jane Cho réalisent une extraordinaire fusion dès les premières notes, comme s’il s’agissait d’un seul instrument. L’œuvre est remplie d’idées inhabituelles, notamment une fugue en plein milieu du premier mouvement. Cela rend l’interprétation facilement disparate si elle n’est pas basée sur une lecture extrêmement solide et minutieuse de la partition. Or, nos deux violonistes bâtissent chaque mouvement avec un grand naturel qui suggère cependant une mûre réflexion, si bien que leur jeu dégage sincérité et honnêteté. Le Trio est une transcription de la Sonate. En ajoutant un alto, Ysaÿe a donné une épaisseur à cette dernière dont l’écriture rappelle déjà quelque chose de symphonique. Mais il n’a pas été satisfait de son travail, excepté le premier mouvement, et il n’a pas « validé » l’édition publiée pour les deux autres mouvements. L’altiste Miguel da Silva a alors décidé de ne jouer que ce premier mouvement, en respectant l’exigence artistique du compositeur. Les trois artistes répondent éloquemment à cette exigence, attirant l’auditeur par la force de la musique singulière. Le pianiste Jonathan Fournel et le violoncelliste Riana Anthony se joignent aux trois artistes pour la Quintette de Fauré dont la sinuosité mélodique et les harmonies changeantes sont soulignées avec élégance.

Le deuxième concert, dans la soirée du 15 mars, se compose du Quatuor de Ravel et du Concert de Chausson. L’œuvre de Ravel est familière au Quatuor Hermès qui la joue depuis le début de son aventure. Malgré la jeunesse des quatre musiciens, l’interprétation est marquée par une grande maturité. La sérénité du silence qui règne dans le troisième mouvement est remarquable, créant un contraste saisissant avec la frénésie du 4e mouvement auquel ils confèrent une vivacité d’adolescence. Le pianiste russe Pavel Kolesinikov, dont l’apparition parisienne en récital au début février avait marqué les esprits, est à la hauteur de l’attente. Vif et précis, il déploie une originalité étincelante dans un son clair avec des gestes caractéristiques mais aucunement tape-à-l’œil. Il soutient le solo de la violoniste Elina Buksha, formant un formidable quintette avec le quatuor Hermès. Autant dire que c’est lui qui mène la musique. Elina Buksha se démarque par la largeur et le dynamisme de son jeu qui se fond en même temps dans l’ensemble.

Le samedi 16 mars dans l’après-midi, le dernier concert est donné par le pianiste Julien Libeer et le violoniste Lorenzo Gatto qui jouent en duo depuis quelques années. Chez Lorenzo Gatto, peu de gestes, un certain stoïcisme qui ne se prête pas à un « spectacle » (hélas de plus en plus mis en avant par d’autres musiciens), mais son interprétation est infiniment vivante. Le dialogue avec Julien Libeer est savoureux, ils se répondent toujours avec justesse tant dans la 7e Sonate de Beethoven que dans celle de Franck. Outre les mouvements rapides qui débordent de vie -notamment le 2e mouvement de Franck où ils expriment avec véhémence le caractère impétueux et romantique- leurs mouvements lents (« Adagio » de Beethoven et « Recitativo Fantasia » de Franck) sont d’une grande beauté doublée d’une réelle profondeur. Ensemble, ils terminent par une note de légèreté nostalgique avec Liebesleid de Frits Kreisler.

Auditorium du Louvre, 14-15 et 16 mars.

Victoria Okada

Crédits photographiques : Lorenzo Gatto/ DR

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.