Une révolution au Festival International de Colmar

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Le 12 juillet 2024 est une date à marquer d’une pierre blanche. Pour la toute première fois, les Percussions de Strasbourg se sont produites lors du Festival International de Colmar. En 62 ans d’existence pour l’ensemble et 45 ans pour le festival, il est étonnant que ce jour ne soit pas arrivé plus tôt. 

Cette journée s’est ouverte à 12h30 avec un concert proposé par deux jeunes musiciens du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP), Federico Altare à la flûte et Martin Jaspard au piano. Pour l’occasion, les deux musiciens ont construit un récital basé sur des figures importantes du CNSMDP. Très à l’aise dans leur rapport au public et proposant des explications bien senties, Federico Altare et Martin Jaspard ont débuté avec la Fantaisie en mi mineur pour flûte et piano Op.79 de Gabriel Fauré. Cette œuvre fut composée pour un examen de flûte au conservatoire en 1898. Ensuite, nous avons pu entendre un arrangement par Federico Altare de la Sonate pour violon et piano L.140 de Claude Debussy, la Sonate en sol majeur N.5 Op.58 de François Devienne et le Chant de Linos pour flûte et piano d’André Jolivet. 

En bis, les deux musiciens nous ont proposé une pièce écrite pour un examen de lecture à vue en flûte par Gabriel Fauré ainsi qu’une œuvre d’inspiration Ravelienne composée par Martin Jaspard. Que de maturité pour ces deux très jeunes musiciens ! Alliant une intelligence de phrasé et une compréhension totale des œuvres avec la fraîcheur de leur jeunesse, ils ont fait forte impression auprès du public. Avec un son très puissant et des basses particulièrement profondes, Martin Jaspard a toujours parfaitement géré ses nuances pour laisser de la place à Federico Altare et ses envolées virtuoses totalement maîtrisées. Il ne serait pas étonnant de les revoir bientôt sur la scène du festival ! 

À 18h, la salle du Théâtre Municipal de Colmar accueillait deux invités prestigieux, le clarinettiste Pierre Génisson et le pianiste Frank Braley. De la Fantasiestücke pour clarinette et piano Op.73 de Robert Schumann à un arrangement de la Rhapsody in Blue de Gershwin, en passant par la Sonate pour clarinette et piano N.1 en fa mineur Op.120 de Brahms et la Rhapsodie pour clarinette en si bémol de Debussy, le duo nous a fait vivre un moment magique. Très complices, les deux musiciens ont démontré tout leur talent. Pierre Génisson a une nouvelle fois prouvé sa maîtrise incomparable du phrasé et des nuances de son instrument, atteignant des pianissimos si doux qu’ils en devinrent presque imperceptibles. Frank Braley, quant à lui, a survolé le concert avec facilité, n’hésitant pas à ajouter un peu d’humour dans ses interactions avec le clarinettiste afin de charmer encore plus le public. En bis, ils nous ont proposé un arrangement du Prélude N.1 pour piano de Gershwin ainsi qu’un air de musique klezmer. 

Le concert du soir fut donc la première représentation des Percussions de Strasbourg au Festival International de Colmar. Véritable révolution pour ce festival qui n’a pas pour habitude d’inviter des percussionnistes et de proposer des concerts de musique contemporaine uniquement, les organisateurs ont pris le parti de casser les prix en mettant en place un tarif unique à 16€ pour les adultes (en comparaison, une place adulte pour le concert d’Emmanuel Pahud variait entre 20€ et 58€). Pari réussi au vu du public venu en nombre pour assister au concert. 

Pour l’occasion, les Percussions de Strasbourg, dont seulement 3 membres étaient présents, ont décidé de mêler répertoire contemporain et sonates de J.S. Bach. Minh-Tâm Nguyen (directeur artistique), Alexandre Esperet et Thibaut Weber ont donc commencé leur concert par la Sonate en trio pour orgue N.6 BWV 530, arrangée pour trois marimba. Un des grands défis des percussionnistes est d'adapter leur jeu et leurs choix de baguettes au lieu dans lequel ils se produisent. Défis perdus pour les trois percussionnistes qui ont manqué de définition durant toute l'œuvre. La grandeur démesurée de l’Église Saint-Matthieu a pris le dessus et rendu la pièce incompréhensible. Le même constat est malheureusement à tirer de l’interprétation de la Sonate en trio pour orgue N.3 BWV 527 de J.S. Bach en début de seconde partie. 

Malgré cette légère déception, le reste du concert fut à la hauteur des attentes que créent un ensemble d’une telle envergure. Okho, Psappha ainsi que Rebonds A & B de Iannis Xenakis ont secoué le public, atteignant des nuances fortissimos que beaucoup n’avaient jamais entendu. Tandis que Les Invariants : Cinq clairières de Michaël Levinas et Rain Tree de Toru Takemitsu furent présents pour rappeler que la percussion, c’est aussi de la légèreté, des effets inattendus et des atmosphères envoûtantes. En bis, les Percussions de Strasbourg nous ont interprété Armando's Rumba de Chick Corea. Au final, malgré un Bach décevant, ce fut une soirée plus que réussie pour les percussionnistes strasbourgeois qui ont totalement captivé le public et ont même reçu, chose rare au festival, une petite standing ovation de certains auditeurs. 

Vendredi 12 juillet 2024, Festival International de Colmar. 

Alex Quitin, Reporter de l’IMEP. 

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