Le festival de Menton célèbre ses 75 ans
Le festival de musique de Menton célèbre ses 75 ans. C’est un anniversaire majeur pour l’un des festivals les plus “iconiques” de France avec les concerts qui se déroulent en plein air sur le parvis Basilique Saint-Michel Archange. C’est le lieu des grands concerts du festival avec son défilé de stars. Mais le festival, c’est aussi des jeunes artistes qui se produisent dans d’autres lieux comme le Palais de l’Europe. Retour sur quelques affiches de cette édition anniversaire avec des jeunes pousses, des confirmations et un concert de prestige.
L'année passée le public du festival avait découvert la jeune flûtiste à bec Lucie Horsch, elle revient cette année accompagnée de quelques membres du brillant ensemble baroque Le Caravansérail, sous la direction du claveciniste Bertrand Cuiller. Ils proposent une promenade musicale italienne ensoleillée avec des œuvres moins connues d'Antonio Vivaldi et de compositeurs italiens du début du XVIIe siècle : Dario Castello, Francesco Mancini, Giovanni Battista Buonamente et Tarquinio Merula.
Elle interprète également une pièce de Jacob Van Eyck, extraite du recueil du Jardin des Plaisirs de la Flûte constitué d'airs populaires néerlandais. Lucie Horsch, que la presse belge a surnommée "la fée de la flûte", change de flûte selon les morceaux, avec une aisance étonnante. Après une salve d'applaudissements, elle donne en bis un air folklorique et nous séduit en chantant un air avec sa belle voix. Elle fait dorénavant partie des musiciens favoris du public du festival.
Le public est toujours fasciné de découvrir un jeune talent avec des qualités techniques exceptionnelles. C'est surtout en Russie qu'on avait tendance à pousser dès leur plus jeune âge les musiciens dans la cage aux lions : Evgeny KIssin, Alexander Malofeev, Alexandra Dovgan. Arielle Beck est française, elle vient d'avoir 15 ans et elle fait déjà la une de la presse musicale. Elle avait initialement prévu de commencer avec la Sonate n° 31 de Haydn. Choix idéal pour sentir l'acoustique de la salle, la proximité du public, la lumière intense d'un après-midi d'été tout en rayonnant avec une sonate pleine d'émotions de contrastes et de fraîcheur. Elle choisit de jouer plutôt les Trois Romances op.28 de Schumann.
C'est un saut périlleux. Les trois Romances sont un chant d'amour de Robert Schumann pour sa fiancée Clara. Un morceau d'une extrême poésie. Idéalement, Il faudrait avoir aimé et prendre le temps pour exprimer cet amour. Arielle attaque la première romance et n'arrive pas à entraîner le public dans ce monde subtil et envoûtant. Chopin lui convient mieux et, au fil des œuvres, elle arrive à transporter le public dans son univers musical.
La Barcarolle de Chopin et celle de Fauré touchent l'auditoire et la Sonate n°4 de Scriabine respire le bonheur. En bis l'Etude op.25, une des études les plus poétiques de Chopin qu'elle joue d'une façon magique. Une jeune pianiste à suivre de près.

Le festival de Menton est l'un des partenaires de la Fondation créée par Gautier Capuçon pour aider les jeunes artistes. Le Festival accueille cette année deux jeunes artistes extrêmement prometteurs : la violoniste Mira Foron et le pianiste Jan Čmejla. Ces deux musiciens, primés par des concours internationaux, amorcent une belle carrière. Ils commencent avec la Sonate n°3 de Beethoven. Les compétences techniques et musicales de Mira Foron fonctionnent en harmonie avec celles du pianiste. Couleurs dynamiques exceptionnelles. Jan Čmejla lui donne la réplique et ils nous donnent une interprétation d'un grand raffinement et d'une grande beauté qui fait ressortir le lien avec Mozart et Haydn. Dans la Sonate de Poulenc nos jeunes musiciens nous plongent dans cette sonate, créée par Ginette Neveu il y a 80 ans. Mira Foron et Jan Čmejla donnent une performance passionnée et sans compromis. Mira Foron a un tempérament de feu et joue la Fantaisie Carmen dans l'arrangement de Franz Waxman apparemment sans aucun effort avec une Virtuosité intergalactique alors que Jan Čmejla la soutient à travers tous les méandres.
C'est la treizième fois que Renaud Capuçon se produit au Festival de Menton et l’artiste a attiré la foule. Le violoniste vient cette fois-ci avec son partenaire le jeune pianiste Guillaume Bellom, élève du regretté Nicholas Angelich (qui avait donné un récital Brahms inoubliable avec Renaud il y a dix ans). Le concert commence par le “Scherzo” de la Sonate F.A.E. de Brahms. Ce “scherzo” est d'habitude donné en bis, Renaud Capuçon a choisi de le jouer en début de récital, afin de bien mettre en valeur la Sonate pour violon du jeune Richard Strauss qui suit.
Le violon et le piano produisent dans cette sonate le son d'un orchestre entier. La tonalité de mi bémol majeur dégage également une certaine assurance, une tonalité que Hector Berlioz a décrite comme "majestueuse, profondément résonnante, douce, mélancolique ". Renaud Capuçon propose un son solaire, chaud et brillant mais il manque le grain de folie, la passion qu'y mettait Ginette Neveu (dans son enregistrement Warner).

La deuxième partie du concert s’intitule 'Renaud et Guillaume font leur cinéma à Menton". Les Temps modernes de Chaplin, la Liste de Schindler de John Williams, Cinema Paradiso d’ Ennio Morricone, Les Valseuses de Stéphane Grappelli, Chère Louise de Georges Delerue, Joyeux Noël de Philippe Rombi, Moon River de Henry Mancini... Tout est plus ou moins pareil. Quand on entend un seul morceau à la fois c'est excellent, mais quand tout se suit on s'en lasse. A part le morceau de Grapelli, il n'y a pas de morceau virtuose ou rapide. Après une belle ovation, Capuçon annonce le bis : La Berceuse de Fauré... Voyons les Amis, il faut aller dormir ! De tous les concerts que Renaud Capuçon a donnés à Menton, c'est le moins réussi et le public reste sur sa faim...
Festival de Menton, Parvis de la Basilique Saint-Michel
Carlo Screiber
Crédits photographiques : Festival de Menton - Ville de Menton - Service communication