Le monde symphonique atypique de l’Ecossais Thomas Wilson 

par

Thomas Wilson (1927-2001) : Symphonies n° 2 et n° 5. Royal Scottish National Orchestra, direction : Rory Macdonald. 2019. Livret en anglais. 54.24. Linn CKD 643.

Avec ce nouveau CD consacré au compositeur Thomas Wilson, considéré comme le plus important représentant musical de l’Ecosse au XXe siècle, le label Linn complète notre connaissance d’un créateur intéressant. Précédemment, le même éditeur a proposé les Symphonies n° 3 et n° 4 par les mêmes interprètes (Linn CKD 616), un enregistrement qui a été salué par la presse britannique. 

Bien que né aux Etats-Unis, à Trinidad dans le Colorado, d’où ses parents britanniques ont rejoint l’Ecosse alors qu’il est âgé de moins de deux ans, Thomas Wilson vit le reste de son existence à Glasgow. Il reçoit sa formation au St Mary’s College d’Aberdeen, puis rejoint les rangs de la RAF en tant que pilote, juste après la seconde guerre mondiale, de 1945 à 1948. Mais c’est à la musique qu’il va consacrer sa carrière ; il poursuit ses études à Glasgow avec Ernest Bullock, organiste de l’Abbaye de Westminster de 1928 à 1941, et avec Frederick Rimmer, qui deviendra directeur du Scottish Opera de 1966 à 1981. En 1957, Wilson devient lecteur de musique à l’Université de Glasgow avant d’y obtenir une chaire d’enseignement. Il participe activement à la vie musicale écossaise et fonde la Scottish Society of Composers. Il joue dès lors un rôle important, occupant diverses fonctions à responsabilité. Il est à la tête d’un répertoire évalué à 115 partitions : orchestre, musique chorale, musique de chambre, opéra, ballets, musique vocale… Il a écrit cinq symphonies entre 1955 et 1998, une par décennie. 

La notice du livret, signée par Paul Conway, rapporte des propos de Wilson au sujet de son écriture. Le compositeur explique que si sa musique comporte bien une toile de fond écossaise, elle ne s’inscrit pas dans un contexte ethnique. Il déclare avoir subi l’influence de Bartok et de Berg qui l’ont mené un temps au sérialisme, et de diverses tendances expressionnistes et mystiques qui l’ont conduit vers une maturité personnelle. Très critique envers lui-même, Wilson a renié des pages de sa prime jeunesse, considérant que sa véritable production commence en 1958 avec son Quatuor à cordes n° 3. Au cours des années qui ont suivi, ses œuvres symphoniques ont été peu à peu prises en considération, et interprétées par des chefs renommés comme Alexander Gibson, James Loughran ou Bryden Thomson qui l’ont imposé comme le chef de file de la musique écossaise du XXe siècle. 

La Symphonie n° 2 est datée de 1965 et propose trois mouvements contrastés aux couleurs globalement sombres, qui se situent entre tonalité et atonalité. Wilson développe peu à peu un Poco adagio vers un majestueux Allegro potente, avant qu’un Scherzo grinçant, vigoureux et déterminé n’installe une sensation d’accents désolés. Contrairement aux Symphonies n° 3 et n° 4 (1965 et 1979) que l’on a pu découvrir sur le CD Linn dont nous avons fait état et dans lesquelles Wilson déploie une éblouissante vigueur puis un sens marqué du drame, la Symphonie n° 2 adopte dans son Allegro final un lyrisme aux sonorités chaudes et presque sensuelles, avec des allusions discrètes d’un xylophone et d’un piano. L’œuvre ne convainc cependant pas tout à fait en raison d’une inspiration qui s’égare parfois. La Symphonie n° 5 de 1998 résulte d’une commande du Scottish Chamber Orchestra. Cette partition, bien plus séduisante, fait appel à un orchestre réduit et reprend la substance d’une pièce de 1981, intitulée Mosaïques, une cantilène écrite pour un ensemble de chambre. On y découvre des alternances de moments dramatiques et de passages calmes, qui semblent s’ouvrir sur un espace infini. Les timbales introduisent avec lenteur cette longue évocation intimiste jouée en une coulée d’un peu moins de trente minutes. La déploration s’installe, avec des interventions rythmiques contrôlées, dans une texture claire et légère qui va aboutir aux mystères du silence, dans un contexte méditatif où l’on retrouve les timbales. Comme si le compositeur disait en quelque sorte adieu à l’existence par l’intermédiaire de cette ultime partition…

La musique de Wilson ne se laisse pas appréhender à la première audition, elle réclame une véritable concentration pour en saisir les subtilités et ce que la notice nomme, en conclusion et à juste titre, comme une apparition à travers un voile. Sa sobriété et sa concision ne font aucune concession aux effets inutiles, au risque de manquer d’ampleur. Elle est servie par le Royal Scottish National Orchestra, déjà mis à contribution pour les Symphonies n° 3 et n° 4, avec le même chef à sa tête, Rory Macdonald (°1980), lui aussi Ecossais, qui a notamment travaillé auprès de David Zinman et de Jorma Panula. Macdonald a créé plusieurs partitions contemporaines (MacMillan, Vine, Gordon…) et dirige régulièrement au Royal Opera House, à San Francisco, à Chicago, à l’Opéra Royal danois et dans d’autres maisons lyriques. Il livre avec la formation écossaise une vision de ces deux symphonies toute en nuances et en finesse, laissant les partitions se revêtir de l’expressivité et des parts secrètes qu’elles contiennent, et tente de leur donner un éclairage qui permet de mieux les cerner. L’enregistrement, limpide, a été réalisé à Glasgow, au New Auditorium du Royal Scottish National Orchestra, les 10 et 11 septembre 2019.

Son : 9  Livret : 8  Répertoire : 8  Interprétation : 9

Jean Lacroix   

  

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