Massenet symphonique avec Jean-Luc Tingaud 

par

Jules Massenet (1842-1912) : Brumaire-Ouverture ; Visions, poème symphonique ; Espada-Suite ; Les Erinnyes ; Phèdre ouverture. Poppy Shotts, soprano, Maya Iwabuchi, violon ; Aleksei Kiseliov, violoncelle. Royal Scottish National Orchestra, Jean-Luc Tingaud. 2019. Livret en anglais. 75’05’’. Naxos. 8.574178. 

Si l’oeuvre lyrique de Jules Massenet continue de bénéficier d’un coup de projecteur à l’image du récent enregistrement de son opéra Don César de Bazan (Naxos), son oeuvre symphonique reste à la marge des salles de concerts et des sessions d’enregistrement. 

Auteur d’un récent et magistral album consacré à César Franck (Millésime 2020 de Crescendo Magazine), Jean-Luc Tingaud et l’excellent Royal Scottish National Orchestra nous proposent un panorama symphonique du compositeur en mettant à l’honneur un large panel de ses talents. 

Composée pour le Centenaire du coup d'état bonapartiste du 18 Brumaire (9 novembre 1799), l’ouverture éponyme donne dans la grandiloquence presque victorienne d’un Elgar : de la pompe de circonstance. On n’échappe pas à une citation de la Marseillaise, passage obligé de cette musique officielle charpentée et puissante. 

Changement de registre avec la finesse d’écriture et de timbres de Visions (1891), poème symphonique épique presque lisztien de ton. On note une orchestration qui utilise des instruments solistes dont un harmonium et un électrophone, des plus rares dans une orchestration traditionnelle. 

Avec la suite de ballet Espada (1908), commande de l'impresario Gabriel Astruc pour sa saison monégasque, on retrouve le brio orchestral des espagnolades fin de siècle. Sens du rythme et des couleurs font de cette suite de dix minutes tirée du ballet intégral, un moment de bonheur musical. 

La majeure partie de ce disque est consacrée à la musique de scène Les Erinnyes (1873), tragédie antique sur un texte de Leconte de Lisle. L’oeuvre est restée à la postérité par le malentendu avec l’auteur qui reprochait à Massenet sa musique loin du style espéré. Il faut dire que le compositeur faisait de cette partition une oeuvre de démonstration de la maîtrise de l’orchestre à la fois puissant mais aussi mélodique comme dans la “Scène religieuse, Invocations” pour violoncelle solo et orchestre. La présente version propose la suite créée en 1876 et qui offre 6 beaux morceaux contrastés et mélodieux. 

L’ouverture Phèdre conclusive de l’album est une pièce de concert donnée en 1874 aux concerts Colonne. Tumultueuse et évocatrice, cette partition est une belle oeuvre théatrale et dramatique qui mériterait d’être entendue plus souvent par l’énergie qu’elle dégage.   

L’excellence de l’orchestre écossais n’est plus à prouver et il est à son affaire dans ces partitions qui mettent en valeur ses solistes tout autant que les qualités la cohésion de ses pupitres sans oublier sa flexibilité stylistique. Jean-Luc Tingaud fait briller ses musiques contrastées dans leur virtuosité ou leur sens mélodique. Sa baguette fait danser les pupitres et fait chanter les mélodies. 

Ce disque est un apport des plus intéressants à notre connaissance du répertoire symphonique français du XIXe siècle, puisse-t-il influencer les programmateurs. 

Son 10 - Livret 8 - Répertoire 9 - Interprétation 10 

Pierre-Jean Tribot 

 

 

 

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