L’Ensemble Diderot et Audax Records : plaisir de découvertes

par

Depuis quinze ans, les quatre musiciens baroques de l’Ensemble Diderot -Johannes Pramsohler et Roldan Bernabé (violons), Gulrim Choi (violoncelle) et Philippe Grisvard (clavecin)- défendent la sonate en trio en innovant les approches interprétatives de ce répertoire. Lors d’un concert à la Salle Cortot à Paris, le 12 novembre dernier, ils ont présenté trois sonates en trio de Johann Gottlieb Goldberg (1727-1756) et Wilhelm Friedmann Bach (1710-1784). La deuxième partie était consacrée à des mélodies de Robert Dussaut (1896-1969) et de son épouse Hélène Covatti (1910-2005) par Adriana Gonzalez et Iñaki Encina Oyón.

Le nom de Johann Gottlieb Goldberg est connu par les variations qui porte son nom, composées par Jean-Sébastien Bach. Mais que sait-on de lui ? Presque rien. Johannes Pramsohler présente le concert en soulignant que certains musicologues contestent qu’il était l’un des derniers élèves de Bach, mais selon lui, « le fait est tout de même clair quand on regarde ses partitions ». En effet, leurs interprétations mettent en exergue les riches contrepoints qui commencent à s’émanciper vers un style plus lyrique, exprimé notamment dans les mouvements lents, évoquant parfois même le bel canto. Le contrepoint de Goldberg, joyeux et chantant (par exemple « Alla breve » et « Gigue » de la Sonate en ut majeur), voire primesautier, enchante l’auditoire. Le style galant n’est certes pas encore là, mais on sent dans l’interprétation une envie latente de s’envoler dans cette direction. La sonate en si bémol majeur de Wilhelm Friedmann Bach a une proximité évidente avec celle de Goldberg. Dans son deuxième mouvement, nos musiciens offrent dans les imitations entre différents instruments une grande réjouissance musicale, alors que dans le finale, les coups d’archet vigoureux mais élégants, soutenus par le clavecin bienveillant, confèrent une réelle fraîcheur à la musique.

Des mélodies de Dussaut et Covatti, dans la seconde partie, sont une véritable découverte pour beaucoup. Thérèse Dussaut, leur fille, était le professeur de piano de Iňaki Encina Oyón au Conservatoire de Toulouse et c’est ainsi que leurs partitions ont pu revivre. Avec Adriana Gonzalez, il en reprend dans ce concert quelques extraits du disque paru en 2021 chez Audax Records qui fête ses dix ans cette année. Les pièces choisies, à des tons souvent intériorisés, ont été écrites sur des paroles de poètes tels qu’Alfred de Musset, Emile Verhaeren, François Mauriac, Marceline Desbordes-Valmore, mais aussi Hélène Covatti elle-même, et se situent dans la lignée des plus illustres mélodies françaises. Adriana Gonzalez sublime divinement le pathos avec son timbre riche et charnu qui permet de proposer une profondeur inespérée. Le piano d’Iñaki Encina Oyón, plutôt discret, est harmonieux avec la voix et constitue un accompagnement (dans le sens noble du terme) idéal dans le répertoire. En complément du programme, trois mélodies d’Isaac Albeniz à caractères secrets, qu’ils ont également été enregistrées en 2021. Notre cantatrice les chante avec une certaine note de nostalgie, en posant chaque note, suggérant ici aussi une intériorité intime.

Concert du 12 novembre à la Salle Cortot

Crédits photographiques : Edouard Brane

Victoria Okada

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.