Les mondes tourmentés de Michael Jarrell 

par

Michael Jarrell (né en 1958) : Paysages avec figures absentes - Nachlese IV ; Sechs Augenblicke ; …un long fracas somptueux de rapide céleste…Ilya Gringolts, violon ; Florent Jodelt, percussions. Orchestre national des Pays de la Loire, direction : Pascal Rophé. 2022. Livret en anglais, allemand et français. 54’16’’. BIS 2672. 

Il y a un peu plus de deux ans, Pascal Rophé et son Orchestre national des Pays de la Loire, avaient publié un premier album consacré à des œuvres du Suisse Michael Jarrell. Cette exploration musicale se poursuit avec ce nouveau volume qui nous offre un triumvirat de belles partitions. 

Nous commençons cette évocation par le concerto pour percussions …un long fracas somptueux de rapide céleste…(1998) dont le titre évoque une phrase tirée du recueil Un balcon en forêt de l’auteur Julien Gracq. Dès l’explosion première, comme l'écrit Michael Jarrell dans le booklet de présentation, l'œuvre se déploie dans un univers à la fois poétique et virtuose d'un tourbillon musical. Le trait est fin et l’orchestration brillante laisse s’épanouir les timbres des percussions en dialogue avec les pupitres.   

Changement de ton avec Paysages avec figures absentes - Nachlese IV  pour violon et orchestre, partition dédiée à la violoniste Isabelle Faust et dont le titre est un hommage à l’écrivain et poète suisse Philippe Jaccottet. En un seul mouvement, la partition est un tournoiement instrumental porté par les oscillations de la partie de violon. Tout se joue ici dans l’énergie et la motorique mais avec une forme de concentration du geste vers une rigueur aux teintes froides mais translucides. L’exigence technique est ici une anti-virtuosité dont la palette des nuances est tranchante et mate. 

L’orchestre est seul dans les Sechs Augenblicke, succession de six pièces, également marquées un travail d'orfèvre sur le matériau orchestral comme une dentelle finement exécutée. La première de ces pièces, avec un solo de hautbois secondé de pulsations en tutti scandées, est d’un bel effet. La force du tutti se déclenchant comme des scansions du temps musical marqué également par des aplats filtrés d’une lumière hivernale. La dernière pièce déborde d'énergie et d'une force cosmique que n'aurait pas renié le Stravinsky du Sacre du printemps ou le Boulez des Notations mais avec toujours cette économie d'effets qui refuse le bavardage. Tous les pupitres de l’orchestre sont sollicités par cette partition, passionnante par son creusement des timbres et des nuances.

Tous les interprètes sont excellents :  le violoniste Ilya Gringolts se joue des difficultés de sa partie dans Paysages avec figures absentes - Nachlese IV alors que le percussionniste Florent Jodelet unifie avec style et perfection le geste de …un long fracas somptueux de rapide céleste… Pascal Rophé, rompu aux musiques les plus exigeantes et grand connaisseur de l’oeuvre de Michael Jarrell, est le maître d’oeuvre de cette réussite, sculptant à la perfection les aspérités et les reliefs de ces partitions. Les pupitres de l’ONPL, acculturés aux exigences de cette musique se déploient avec finesse, sens des nuances et précision dans tous les détails, illustrant ainsi la richesse technique de l'écriture de Michael Jarrell.

Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Chronique réalisée sur base de l'édition SACD

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