Les Musiciens et la Grande Guerre (8)

par
Grande Guerre

Volume XVII - Vers la vie nouvelle. Pièces pour piano de Cécile Chaminade, William Baines, Georges Enesco, Nadia Boulanger et Jean Cras
Anne de FORNEL (piano)
2016-DDD-63'02''-Notice en français et en anglais-Hortus 717

Sur un précieux Pleyel de 1892, aux belles résonances de basse, Anne de Fornel s'éloigne un peu de sa spécialité, la musique contemporaine, pour offrir un bouquet d'oeuvres rares des siècles passés. Au pays dévasté, de Cécile Chaminade, élégie dépouillée, étonne de la part d'une compositrice plutôt traditionnelle. Paradise Gardens est une courte pièce, délicate et assez debussyste, de William Baines, mort tuberculeux en 1922. En 1916, l'illustre violoniste Georges Enesco achève un recueil  pour piano, dont ce CD présente les deux derniers morceaux, un Choral pur, tout en accords, (on pense à Satie) et un curieux Carillon nocturne, qui imite la résonance brève et double de cet instrument cher aux beffrois flamands. Vers la vie nouvelle, titre de l'album, est celui d'une pièce courte de Nadia Boulanger, simple et dépouillée, écrite pour soutenir des familles défavorisées. Le CD se conclut par les quatre Danze , beau cycle peu connu de Jean Cras (1917). Le style en est très personnel, et on reconnaît sans peine le compositeur de Journal de bord. Assez virtuose, ce style se caractérise par une écriture parfois très puissante, mais parfois aussi joliment perlée. La "Danza ténera", dédiée à son épouse, est émouvante. Comme toujours, l'iconographie du CD est soignée : la photo de l'équipage sur le navire de guerre de l'officier Jean Cras est impressionnante.
Son 10 - Livret 9 - Répertoire 9 - Interprétation 10

Volume XVIII - Ombres et Lumières. Musique de chambre de Rudi Stephan, Louis Vierne et Lucien Durosoir
Ensemble Cassiopée, dir.: Karine LETHIEC
2016-DDD-72' 32''-Notice en français et en anglais-Hortus 718
Ce volume est uniformément sombre (et déconseillé aux âmes dépressives). Centré autour de la figure peu connue de Lucien Durosoir (1878-1955), il offre trois pages austères de musique de chambre. Musique pour sept instruments à cordes de Rudi Stephan est un septuor pour cordes avec piano et harpe. Sombre et méditatif, souvent dissonant, il alterne tension et repos, se ressaisit parfois (le début du Nachspiel), pour retomber dans l'accablement. Le Quintette de Vierne, sans être un tube, est fort connu et bien enregistré. Le compositeur l'a écrit en 1918, en stèle commémorative pour son frère et son fils, morts tous deux au champ d'honneur. Comme le dit Harry Halbreich, Vierne fait le lien entre Franck et Fauré. Il a du second une belle aisance mélodique (2ème thème du Poco lento initial), mais surtout, du premier, le sens du drame, dans son propre quintette. Ainsi, les mesures introductives, erratiques, sont presque atonales, et le Maestoso final hésite entre Tristan et une envie de cavalcade fantastique. Excellente interprétation de l'Ensemble Cassiopée.  Lucien Durosoir, lui, n'est pas mort à la guerre; il a survécu, et a consacré sa carrière avant tout à la musique de chambre. Le Poème pour violon, alto et piano (1920) est écrit pour l'inauguration du Monument aux morts de Vincennes. C'est une oeuvre de jeunesse, à l'écriture fluide, d'un beau lyrisme, mais assez impersonnelle.
Son 10 - Livret 9 - Répertoire 9 - Interprétation 10

Volume XIX - Dispersion. Pièces pour piano d'Erwin Schulhoff, Paul Hindemith, Alfredo Casella, Raymond Moulart et Louis Vierne
Steven VANHAUWAERT (piano)
2016-DDD-73' 28''- Notice en français et en anglais-Hortus 719
Après les errances et les désespoirs du volume XVIII, voici de quoi requinquer l'ambiance ! Le CD démarre en trombe avec les brillantes Fünf Grotesken de Schulhoff (1917), décidément un compositeur qui surprend toujours. Ces cinq petites danses allantes et bien rythmées sont jouées avec une verve folle; elles évoquent tour à tour Hindemith, Roussel ou Prokofiev. Une belle découverte, à laquelle on reviendra souvent ! Quand Hindemith compose le cycle In einer Nacht, il a trente ans et va bientôt se lancer dans sa période iconoclaste. En 1919, il est encore assez sage, et écrit ces 19 petites pièces, sous-titrées "Rêveries et expériences". Souvent atonales, de caractère introspectif, elles alternent, pour le pianiste, un jeu raffiné (les numéros 11 ou 16) à une écriture puissante, comme dans la grandiose double fugue finale. Page mineure d'après Michel Stockhem, auteur de la remarquable notice de ce CD, Inezie, de Casella, petit cycle de cinq minutes à peine, tourne autour de notes obsédantes, même dans la berceuse conclusive. Qui se souvient de Raymond Moulaert (1875-1962) qui fit une remarquable carrière académique en Belgique ? La Sonate pour piano ici présentée (1917) témoigne d'un talent dérivé de Saint-Saëns ou de Fauré. Tempi allègres alla Ravel pour le premier mouvement, fluide rêverie centrale, et presto finale en forme de perpetuum mobile : une musique somme toute fort agréable. Revenons tout de même à l'ambiance morbide de ces années de guerre avec Le Glas de Louis Vierne, extrait d'un recueil qui n'a jamais vu le jour : le Poème des cloches funèbres. C'est une marche lente, un crescendo lugubre. Le pianiste belge maîtrise l'écriture complexe de ces différentes pages, pour en rendre toute l'expressivité tendue, tragique même.
Son 10 - Livret 10 - Répertoire 9 - Interprétation 10

Bruno Peeters

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