Les quatuors de Beethoven par les Ébène :  une seconde intégrale magnifique, cette fois en vidéo

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Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Intégrale des quatuors à cordes. Quatuor Ébène. 2020. Notice en français, en anglais et en allemand. 546.00 ; Un coffret de six DVD Erato 019029644812.

Sollicité en 2014 par le Carnegie Hall de New York pour jouer le cycle intégral des quatuors de Beethoven en 2020 dans le cadre de la commémoration des 250 ans de la naissance du compositeur, le Quatuor Ébène n’a pu mener le projet à bien en raison de l’annulation des concerts provoquée par la pandémie. L’ensemble avait cependant effectué une sorte de tour du monde en guise de préparation dans le courant de l’année 2019. Ce périple l’avait entraîné à donner quarante concerts dans dix-huit pays très différents, avec des moments inhabituels ou singuliers, comme chez les Maoris de Nouvelle-Zélande, au Kénya ou en Corée. Un Beethoven Around The World a été enregistré en live, lors des étapes de Philadelphie, Vienne, Tokyo, São Paulo, Melbourne, Naïrobi et Paris, et a fait l’objet d’un coffret de sept CD (Erato 0190295339814) salué par la critique. Nous renvoyons le lecteur à l’entretien que Pierre-Jean Tribot a eu à cette occasion avec le second violon, Gabriel Le Magadure, dans nos colonnes du 12 mai 2020. 

La pandémie n’a cependant pas empêché le Quatuor Ébène de donner à la Philharmonie de Paris une nouvelle intégrale du même massif beethovénien sous la forme de six concerts en automne 2020, avec un public en jauge réduite ou même sans public du tout. Cette intégrale est proposée dans un coffret de six DVD, qui viennent en quelque sorte confirmer la passion qui anime ces quatre musiciens pour le maître de Bonn, mais aussi leur incroyable osmose avec un univers qui leur semble naturellement destiné. Une initiative qui vient s’ajouter à l’hyper-convaincante version en CD, et qui apporte le plus de la présence physique et de la maturité esthétique grâce à l’image. Le violoncelliste, Raphaël Merlin, précise dans la notice que ces prestations parisiennes demeurent une expérience de rare plénitude, où nous pouvons enfin, rentrés à la maison, jouer ces œuvres qui sont la première raison de notre engagement dans la vie de quatuor à cordes.

Ces concerts se sont déroulés en trois épisodes : 12 et 13 octobre 2020, 23 et 24 novembre, 16 et 17 décembre. Comme il l’avait fait pour les étapes internationales et la publication en CD, le Quatuor Ébène n’adopte pas un ordre chronologique des partitions, mais les distribue en une pertinente association d’œuvres. Ainsi, pour les deux premières affiches d’octobre, le choix s’est porté successivement sur l’un des « Razumovsky », l’opus 59 n°1, et sur la Grande Fugue op. 133 et, le lendemain, sur l’opus 18 n° 1, l’opus 74 « Les Harpes » et un autre « Razumovsky », l’opus 59 n°3. Notre confrère Pierre Carrive a assisté à ces deux soirées dont il a fait un compte-rendu le 20 octobre 2020. Nous invitons le lecteur à se référer à son analyse, dans laquelle il souligne que ces soirées ont été marquées par la perfection technique, la maîtrise, l’aisance, mais aussi par la générosité, la chaleur et l’amour inconditionnel pour les pages de Beethoven. 

Ces caractéristiques se retrouvent tout au long du parcours passionnant de ces six DVD, très bien filmés avec, de plus, un son excellent. On soulignera pour chacun d’entre eux la virtuosité des interprètes, l’unité qui les anime, débordante de vie et d’intensité instrumentale. Ce sont des versions cohérentes, dosées, élégantes sans être maniérées, raffinées sans excès, mais surtout engagées. La cohésion, signe d’une écoute mutuelle permanente, et l’harmonisation qui se traduit par des couleurs inventives et par un lyrisme qui n’est jamais débridé mais mûri, donnent à cette intégrale la force d’un discours noble qui retient sans cesse l’attention. L’expressivité lumineuse du premier violon Pierre Colombet, la sonorité noble du second violon Gabriel Le Magadure, la chaude couleur de l’alto de Marie Chilemme et la profondeur de son de Raphaël Merlin au violoncelle, se coulent dans un univers qui magnifie le corpus beethovénien. On aimera toujours l’esthétique de prestigieux prédécesseurs, comme les Berg, les Tokyo ou les Belcea, pour ne citer qu’eux, mais ici il y a une autre esthétique qui s’installe et qui est celle du jaillissement naturel, d’une spontanéité intense et d’un geste commun éminemment consenti.

Cette intégrale s’impose dans le domaine vidéographique actuel. Elle garantit des heures d’écoute passionnante, riches d’humanité et de merveilles sonores. Elle vient s’ajouter à l’intégrale en CD, à acquérir, elle aussi, si ce n’est déjà chose faite. De telles références de notre époque sont incontournables.

Note globale : 10

Jean Lacroix 

 

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