L’œuvre lyrique de Berlioz, entre intimité et passions

par

Hector Berlioz (1803-1869)
Les nuits d’été, Scène d’amour, extraite de Roméo et Juliette, La mort de Cléopâtre

Scottish Chamber Orchestra - Robin Ticciati, direction : Karen Cargill
2013 – DDD – 65’48’’ – Texte de présentation en anglais – Linn Records – CKD 421
Robin Ticciati et le Scottish Chamber Orchestra nous offrent une belle lecture de trois œuvres lyriques de Berlioz sur le thème de la mort. "Les nuits d’été" (clin d’œil au "Songe d’une nuit d’été" de Shakespeare pour l’anecdote) pour ténor ou mezzo, composé d’abord avec piano en 1841 puis avec orchestre en 1856, est un cycle de six mélodies sur les poèmes de Gautier, "La Comédie de la mort" (1838). Préférant la version avec orchestre, Karen Cargill aborde l’œuvre avec simplicité, sans mièvrerie, typique des romances d’époque. Plus proche de la mélodie française pure, son timbre, doux mais précis convient à l’œuvre. Petit bémol pour la clarté du texte, effacé à certains endroits par l’orchestre pourtant attentif et à l’écoute de la voix soliste. Ces qualités d’orchestre de chambre, presque soliste, se ressentent d’ailleurs dans les desseins des cordes du "Spectre de la rose" par les arpèges presque nus face à la voix. Malgré tout, le ton chaleureux et les qualités musicales de l’ensemble sont honorables. "Sur les lagunes" (troisième mélodie) nous pétrifie par sa beauté et par ses harmonies bouleversantes. La scène d’amour de Roméo et Juliette est un bel enchaînement. Maitrise parfaite des pupitres pour l’orchestre et beau dialogue entre chaque section d’instruments. Cette scène orchestrale, passage préféré de Berlioz, ne comporte pas de chant. Pourtant, il aurait été naturel de mettre un duo ou même une seule voix. Berlioz, humble, a compris que face aux très nombreuses écritures de cette scène par ses prédécesseurs, le choix instrumental s’imposait dans le cadre de cette symphonie (et non opéra). Par l’enchaînement des harmonies si colorées, cet adagio offre à l’auditeur peut-être le plus beau moment de toute l’œuvre du compositeur français. Enfin, La Cantate "Cléopâtre" ("La mort de Cléopâtre" n’est pas le titre d’origine, erreur qui persiste aujourd’hui) joue autant sur les émotions. Même critique pour le texte pas toujours clair, peut-être le vibrato n’est pas assez dosé à certains endroits car à d’autres, la compréhension du texte est beaucoup plus évidente pour cette talentueuse mezzo dont la carrière n’est plus à faire. La baguette de Ticciati est toujours aussi énergique et claire. Excellente maitrise des tuttis tandis que des efforts sont perçus dans les contrastes des plans sonores. La Méditation finale est toujours aussi troublante. Sur un texte de Shakespeare, Berlioz réutilisera certains extraits en 1831 pour le Chœur d’ombres de Lélio. L’orchestration si dépouillée est parfaitement menée par le chef qui structure les phrases avec une intimité presque fantomatique et une passion foudroyante pour la suite.
Belle lecture donc pour ce CD de la part des artistes dont le choix du répertoire offre un échantillon des plus beaux moments de la musique de Berlioz. Notons que la brochure explicative (excellente) est écrite par Julian Rushton, un spécialiste de la musique de Berlioz.
Ayrton Desimpelaere

Son 9 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 8,5

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