L’ombre de Vivaldi pour ces rares sonates pour violon ramenées à Dresde

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Dalla biblioteca di Vivaldi ? Johann Friedrich Schreyvogel (fl. 1707-1749) : Sonate pour violon et bc en ré mineur. [Sächsische Landesbibliothek Staats- und Universitätsbibliothek de Dresde] Anonymes : Sonates pour violon et bc en ré majeur, fa majeur, sol mineur ; Johann David Heinichen (1683-1729) : Sonate pour violon et bc en ré majeur HauH 3.2 [Mus.1-R-70] ; Sonate pour violon et bc en ré majeur [Mus.2-R-8.52]. Johann Pachelbel (1653-1706) : Prélude en sol mineur pour orgue P. 410. Sue-Ying Koang, violon. Diana Vinagre, violoncelle. Parsival Castro, théorbe, guitare. Vincent Bernhardt, clavecin, orgue. Livret en français et anglais. Novembre 2020. TT 55’20. Calliope CAL2192

Cet album illustre les récentes recherches musicologiques de Vincent Bernhardt, menées sur un manuscrit conservé à la bibliothèque SLUB de Dresde. Synthèse de ces investigations, l’érudit livret (qui aurait pu être élagué) fait la part entre les rares certitudes et les nombreuses conjectures entourant ce recueil (Mus.1-R-70) de cinq sonates pour violon, copié par Johann Georg Pisendel, vraisemblablement à son propre compte et manifestement sans soin. Sorte de cahier de notes sans unité préconçue, où la sonate en fa majeur fut ajoutée pêle-mêle au bas de folios inexploités. La genèse de ce fascicule, non exempt d’erreurs de copie et de laconisme, pose autant de questions que la paternité de son contenu, douteuse pour les trois opus qui ne sont assignés d’aucun patronyme. Pour la sonate anonyme en ré majeur, la similitude de la perfidia avec un mouvement écrit « à l’imitation des cloches » (voir pour exemple l’enregistrement de David Plantier en avril 2004 chez Zig Zag) par Johann Paul von Westhoff (1656-1705), célèbre virtuose de la Hofkapelle, ne permet pas d’attribuer à celui-ci les deux parties que nous entendons avant ce bariolage campanaire.

Les hypothèses, suggérées par le titre du disque, convergent vers un ami que Pisendel fréquenta de près à Venise : nul autre que l’auteur des Quatre Saisons, si ce n’est en tant que compositeur du moins en tant qu’il aurait pu détenir dans ses collections un exemplaire de ces œuvres. L’analyse de Vincent Bernhardt conduit même à apparenter la sonate en sol mineur au Prete Rosso, et la présente comme « la plus vivaldienne du recueil ».

L’on reste un brin dubitatif devant l’appellation « worldwide first recording » apposée au verso de l’album, alors que le livret fait honnêtement état d’un enregistrement par Martyna Pastuszka, en 2013 chez Dux (Music in Dresden in the times of Augustus II the Strong). Vincent Bernhardt précise toutefois que les choix interprétatifs diffèrent, proposant ici une version corrigée quant aux erreurs et singularités des feuillets d’origine, et amendée en accord avec le langage harmonique et mélodique d’œuvres de même esthétique. La lecture se pare aussi d’une ornementation conforme à l’influence vivaldienne. Complétant un programme plutôt court, un Prélude de Pachelbel et des improvisations liminaires alimentent ce CD conclu par une sonate tirée d’un autre manuscrit dresdois : son inspiration excède la signature latine et s’avère typique des « goûts réunis » admirés à la Cour d’Auguste le Fort, qui attirait alors les meilleurs musiciens d’Europe.

Les auditeurs statueront dans quelle mesure l’exécution concentrée de Sue-Ying Koang, son jeu serré et appuyé, certes non exempt de souplesse, correspondent à la faconde et la fantaisie que l’on accorde à la manière vénitienne. L’impressionnante maîtrise technique de la violoniste est-elle suffisamment expansive, son cantabile suffisamment rayonnant pour ces « sonates exubérantes qui nous plongent dans l’univers rutilant de l’Italie du début du XVIIIe siècle », vantées en couverture du livret ? On doit certes avouer que la sécheresse et la frontalité d’une acoustique exiguë ne secourent guère cette perception un peu frustrante. La dure captation taxe la séduction de ces pages, au demeurant impeccablement servies par le continuo, et sous l’angle académique irréprochablement valorisées.

Son : 7,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 8,5 – Interprétation : 8,5

Christophe Steyne

 

 

 

 

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