Lorsque Plasson et Antonacci animent le marbre...

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Anna Caterina Antonacci © Benjamin Ealovega

Le retour sur scène de Pénélope, second opéra de Fauré, semble s'affirmer. En juin 2013, le Théâtre des Champs-Elysées le programmait, en concert. En octobre 2015, c'était au tour de l'Opéra du Rhin de le représenter, sur scène, cette fois. Et voici le Théâtre Royal de la Monnaie, qui, enfin,  le propose, de nouveau en concert. A chaque occasion, le rôle-titre était assuré par Anna Caterina Antonacci. La mezzo-soprano italienne semble s'être approprié le rôle de la reine d'Ithaque. Elle l'a pleinement démontré à Strasbourg, dans le sévère concept scénique d'Olivier Py/ Pierre-André Weitz. A Paris, comme à Bruxelles, le concert pur et dur lui va bien - sans aucune de ces "mises en espaces" chères aux théâtres actuels. Elle recrée sans peine la tragédie antique, sans costume ni décor, par son tempérament hautement dramatique. Ses deux airs (Ulysse, fier époux, au I, et la vision hallucinée du III "Ah ! Malheureux !"), tout comme le long duo avec Ulysse/Le Mendiant à l'acte II furent de grands moments de drame lyrique. Ajoutons à ces qualités une impeccable diction française, que nous avions pu admirer à Liège dans La Voix humaine de Poulenc. Antonacci est une très grande dame de l'opéra français. Hélas, elle n'était pas soutenue, comme à Paris, par le formidable Ulysse de Roberto Alagna. Le ténor Yves Saelens ne déméritait pas, non, mais il manquait cruellement de force et de flamme amoureuse, dans son unique air "Epouse chérie", et aussi de puissance dans sa scène avec les bergers à la fin de l'acte II. Vincent Le Texier, en revanche, comme à Paris, incarnait un Eumée peut-être trop aristocratique pour un pâtre, mais d'une allure grandiose ("J'ai gardé les boeufs et les chiens"). Excellente Euryclée également de Sylvie Brunet-Grupposo, spécialiste de ce genre de rôle chaleureux. Les deux groupes de comprimari féminins et masculins étaient sans failles. Citons, parmi les servantes de Pénélope, la jolie Cléone d'Angélique Noldus ou la blonde Melantho de Blandine Staskiewicz. Côté prétendants - les méchants - se détachaient le brillant Antinoüs de Julien Dran (très joli "Dissipe le chagrin qui pâlit ton beau front") et le sonore Eurymaque de Pierre Doyen. Tous ces artistes remarquables ont donné le meilleur d'eux-mêmes, cela se sentait : c'est une personnalité hors pair, et quasi mythique, qui les dirigeait : Michel Plasson. Après une entrée en matière hésitante, l'orchestre a pris un certain temps pour se mettre en place (manque de répétitions ?), mais tout est rentré dans l'ordre lors de la petite danse avec flûte préludant à l'air de la reine.  Le célèbre maestro français, grand défenseur de la musique de son pays devant l'Eternel, n'avait encore jamais dirigé la partition de Fauré, et le public bruxellois lui a su gré de cette première en lui accordant une belle ovation à l'issue du concert. Une belle soirée à la gloire de l'opéra français.
Bruno Peeters
Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, le 25 février 2017

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