Lyatoshynsky, une découverte

par

Boris Lyatoshynsky (1895-1968) :  Symphonie N° 3, Op. 50 (1951) ; Grazhyna, Op. 58 (1955). Bournemouth Symphony Orchestra/ Kirill Karabits (direction). 2019-DDD-63’23 -Textes de présentation en anglais, allemand et français - Chandos CHSA 5233

Né en 1895 et élève de Glière au Conservatoire de Kiev, Boris Mykolayovych Lyatoshynsky est considéré comme le plus important symphoniste ukrainien du 20e siècle, même si sa renommée hors des frontières de l’ex-URSS est loin d’atteindre celle de son contemporain Chostakovitch ou même celle, récente en Occident, de Mieczyslaw Weinberg. On pourra attribuer ce peu d’intérêt pour cette musique au moment de sa création aussi bien au caractère fermé du régime soviétique qu’au peu de considération dont jouissaient tant la musique tonale que la forme symphonique dans une Europe dominée à l’époque par les tenants du post-sérialisme.

Raison de plus pour écouter avec intérêt cette nouvelle parution dirigée par un Kirill Karabits qui a ici de qui tenir, puisque son père compositeur fut l’élève de Lyatoshynsky et que sa mère musicologue est la plus grande spécialiste de l’oeuvre du compositeur.

Ecrite en l’honneur du vingt-cinquième anniversaire de la Révolution d’octobre, la Troisième symphonie de Lyatoshynsky porte comme sous-titre « La paix vaincra la guerre ». Oeuvre de vastes dimensions (près de 45 minutes), elle exige une écoute attentive et demande du temps pour se laisser apprivoiser.

Le premier mouvement s’ouvre sur un appel de cuivres et se montre par la suite à la fois profond, pessimiste, sombre et sincère. Même si Lytoshynsky n’a rien d’un épigone, on trouve ici des endroits qui font penser à Chostakovitvch mais en moins grinçant, alors que le lyrisme sans emphase du compositeur rappelle fortement par endroits Miaskovsky.

L’Andante con moto qui suit est marqué par de longues phrases d’un beau lyrisme sans boursouflures, et on reconnaît ça et là des réminiscences de Tchaïkovski ou de Glière. Lytoshynsky est un excellent orchestrateur dont les belles phrases confiées aux bois le rapprochent de Weinberg, alors que de brefs moments d’angoisse renvoient à nouveau à Mahler et Chostakovitch et que le chant mélancolique et désolé du cor anglais rappelle -de façon plus inattendue- Sibelius.

Le Scherzo, violent et sauvage, évoque par moments Roussel dans ses effets les plus musclés. Il fait entendre une habile transformation de la mélodie folklorisante qui ouvre l’oeuvre et conclut sur un Finale optimiste et solaire dont les passages hymniques et fanfares évoquent Mahler et Janacek. L’oeuvre se termine en apothéose sur le chant folklorique entendu dans le premier mouvement.

Composée en 1955 et destinée à marquer le centenaire de la mort du grand poète polonais Adam Mickiewicz, Grazhyna est une « ballade symphonique » écrite dans un style nettement plus romantique que la Symphonie. Le récit de Mickiewicz raconte l’amour de Grazhyna pour son époux, le prince lituanien Litavor, et leur lutte contre les Chevaliers teutoniques qui seront défaits alors que la princesse perdra la vie dans la bataille. Le sombre romantisme adopté ici par Lyatoshynsky convient parfaitement au sujet, alors que la veine lyrique qu’il déploie pour évoquer le couple princier ou les appels de cors associés à l’envahisseur germanique sont très proches de ce que fait Prokofiev dans Alexandre Nevsky, même si les scènes de bataille sont décrites de façon plus conventionnelle chez le compositeur ukrainien.

Conclusion : intéressante découverte dans une interprétation irréprochable et bénéficiant d’une superbe prise de son. 

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 9 - Interprétation 10

 

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