Malgré de belles qualités, cet Enlèvement ne sera pas une référence

par

Wolfgang Amadeus MOZART
(1756-1791)
Die Entführung aus dem Serail
Th. QUASTHOFF (Bassa Selim), R. VILLAZON (Belmonte), D. DAMRAU (Konstanze), A. PROHASKA (Blonde), P. SCHWEINESTER (Pedrillo), F.-J. SELIG (Osmin), Vocalensemble Rastatt, Chamber Orchestra of Europe, dir. : Yannick NEZET-SEGUIN
2015-Live-74' 37'' et 64' 25''-Notice en anglais, allemand et français-chanté en allemand-DG  4794064

Enregistrement live d'un concert donné à Baden-Baden en 2014, il s'agit du troisième volet d'un cycle Mozart de Nézet-Séguin chez DG après Don Giovanni et Cosi fan tutte. C'est aussi le premier rôle allemand de Rolando Villazon. Trois raisons pour écouter attentivement cette nouvelle parution. Elle possède de solides atouts, dont deux solistes impeccables : l'Osmin si chantant de Franz-Jozef Selig, loin de tout histrionisme. Et quel exceptionnel sens du phrasé ! Puis la Blonde fruitée d'Anna Prohaska, qui se rit des redoutables intervalles de son rôle. Rythme, élan, fraîcheur, tout y est. Il n'est dès lors pas étonnant que leur duo au début de l'acte II soit une des perles de cette nouvelle version, à déguster sans modération aucune. Le Pedrillo de Paul Schweinester se situe dans la tradition, tant dans la bouffonnerie de la scène de soûlographie avec Osmin que dans la poétique romance mauresque du troisième acte. Diana Damrau, l'une des diva assoluta de notre temps, incarne une Konstanze un peu placide, comme indifférente au drame qu'elle inspire. La ligne vocale est pure et délicate, les vocalises sont bien négociées, certes, mais le cri n'est parfois pas loin. Est-elle tout à fait à l'aise ? La même question peut se poser quant au Belmonte de Villazon, au timbre pas trop germanique, tout de même. Son premier air, devant le figuier d'Osmin, tout comme l'air Wenn der Freude Tränen fliessen, témoignent d'un chant correct, évidemment, mais instable, manquant de sûreté. L'air O wie ängstlich démontre par contre l'extrême sensibilité dont le ténor mexicain peut faire preuve. Mieux vaut écouter tant Damrau que Villazon dans les ensembles ou dans leurs duos, tels le final de l'acte II ou le duo si douloureux qui précède le vaudeville conclusif de l'opéra. Ce caractère inégal se retrouve aussi dans la direction de Yannick Nézet-Séguin, excitante dans les ensembles à caractère bouffe, rondement menés, mais un peu molle lorsque arrive la mélancolie (Traurigkeit), ou carrément lourde dans les scènes "turques" (Vivat Bacchus ! Bacchus lebe !, les interventions des choeurs). Le Bassa Selim de Thomas Quasthoff est bon, sans plus. Ce n'est pas un acteur. Malgré ses qualités indéniables, il est clair que cette version ne peut représenter un premier choix. Bien plus recommandables demeurent Jochum (Köth, Wunderlich), Böhm (Auger, Schreier), Solti (Gruberova, Winbergh) ou, plus récent, Gardiner (Orgonosova, Olsen).
Bruno Peeters

Son 9 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 8

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