A Genève : une ‘Belle Hélène’ tripatouillée par Gérard Daguerre

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‘La Belle Hélène’ a- t-elle besoin d’être réorchestrée ?  Nul ne saura jamais le nombre précis d’instrumentistes figurant dans la fosse du Théâtre des Variétés lors de la création du 17 décembre 1864. Suivant la grandeur des salles, l’on s’accommode souvent de la réduction de l’effectif : preuve en a été donnée, à l’Alhambra de Genève il y a quelques années, par un quatuor à cordes dialoguant avec un piano magistralement tenu par le chef. Faut-il alors  avaliser le tripatouillage vaguement jazzifiant de Gérard Daguerre, instillant de son clavier envahissant de douteux effets ‘dancing de fin de soirée’ au tissu, au demeurant cohérent, de l’Orchestre de Chambre de Genève ?  Et comme le Chœur du Grand-Théâtre n’y trouve plus ses marques, il incombe à son chef, Alan Woodbridge, de diriger le tout.
Le décor de Bruno de Lavenère accumule les ‘containers’ d’où surgira l’étal des sacrifices de Calchas et l’entrée d’un sauna sulfureux, quand la chambre de la reine se hissera vers les cintres en direction de Cythère. Les costumes d’Anne-Laure Futin tiennent du ‘show bizz’, dont la mise en scène de Robert Sandoz manipule  les rouages avec  cocasserie, en prêtant à Oreste les traits de Conchita Wurst, à Hélène, ceux de Mylène Farmer.
Véronique Gens délaisse ses héroïnes tragiques, tout en usant de leur diction parfaite et de leur déclamation pour dessiner une Hélène grande dame, à l’affût du moindre flirt. Après un premier acte difficile, le Pâris de Florian Cafiero finit par asseoir ses aigus  en se donnant l’aplomb du séducteur impénitent. Raul Gimenez s’empare du roi Ménélas avec une franchise d’accent qui fait sourire, alors que Patrick Rocca en fait des tonnes pour rendre son Calchas entreprenant. Marc Barrard a la faconde arrogante d’Agamemnon, Bruce Rankin, la démarche claudicante d’un Achille qui ne bouillit plus guère face aux deux Ajax  rustauds de Fabrice Farina et Erlend Tvinnereim. Et l’éblouissante Maria Fiselier, Oreste travesti, mène avec panache la danse dégingandée des Parthénis, Léaena et Bacchis campées par Seraina Perrenoud, Fabienne Skarpetowski et Magali Duceau.
Paul-André Demierre
Genève, Grand-Théâtre, le 14 octobre 2015

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