Masaaki Suzuki : Bach, mais pas que Bach
C’est l’une des stars de la musique baroque : le chef d'orchestre, organiste et claveciniste japonais Masaaki Suzuki est une tournée avec son ensemble Bach Collegium Japan à l’occasion des 30 ans de la fondation de son ensemble. Auteur d’une discographie essentielle des œuvres de Bach, pour le label Bis, le musicien répond aux questions de Crescendo.
Le Bach Collegium Japan célèbre son 30e anniversaire. Qu'est-ce qui vous a motivé à créer cet ensemble en 1990 ?
Depuis mes études, je me suis toujours beaucoup intéressé aux cantates de Bach. Nous avions un club d'étudiants, appelé "Cantata Club", dans notre Université des Beaux-arts et de la Musique de Tokyo pour jouer régulièrement (et avec ferveur) des cantates de Bach. C'est donc tout naturellement qu’à mon retour des Pays-Bas, j'ai créé un groupe dédié à l’interprétation de ses cantates et de sa musique sacrée et que j'ai obtenu le poste à l'Université féminine de Shōin où la magnifique chapelle et l'orgue venaient d'être construits.
Quels ont été les défis à relever pour créer un ensemble spécialisé dédié à Bach au Japon ?
Le plus difficile est, et a toujours été, d'établir une stabilité financière.
Votre collaboration avec le label Bis, auquel vous avez toujours été fidèle, s'est rapidement imposée comme une "Dream Team". Comment avez-vous rencontré ce label ?
Un ami qui avait travaillé pour nous comme manager m'a tout d'abord parlé de BIS après plusieurs tentatives infructueuses avec des maisons de disques japonaises. Et très peu de temps après, nous avons rencontré M. Robert von Bahr, le Président de BIS, lors de sa visite au Japon. Il connaissait déjà beaucoup de choses sur le Japon et il était très désireux de travailler avec des musiciens japonais.
Vous avez enregistré Bach pendant 30 ans. Votre vision du compositeur a-t-elle changé au fil du temps ?
Non, je ne pense pas qu'elle ait changé, nous avons plutôt approfondi notre vision de la musique de Bach.
Ecoutez-vous les enregistrements du début du Bach Collegium Japan ? Aimeriez-vous en réenregistrer certains ?
Oui, je voudrais tout recommencer, bien que mon approche de base de l'œuvre de Bach reste la même. Mais si nous le recommençons, quand il sera terminé pour la deuxième fois, j'aurai l'impression de vouloir recommencer. Ce sera une chaîne sans fin ! Donc je ne le ferai pas.
Vous avez également dirigé Mozart et Beethoven avec le Bach Collegium Japan. Etait-ce un prolongement naturel de votre travail sur Bach ?
Oui, très naturel. Tous les compositeurs après Bach sont, d’une manière ou d’une autre, sous l’'influence de Bach et cette relation est très intéressante. De plus, il est très important d'interpréter ces répertoires avec les instruments d'époque qui étaient familiers aux compositeurs.
Envisagez-vous également d'approcher d'autres compositeurs comme Haydn ou Schubert avec le BCJ ?
Pour moi personnellement, et pour l'instant, Mozart et Mendelssohn sont plus intéressants que Haydn et Schubert, mais je changerai peut-être d'avis…
Pour votre tournée anniversaire en Europe, vous avez choisi de diriger la Passion selon Saint-Jean ? Pourquoi avez-vous choisi cette partition ?
La Passion selon Saint-Jean est l'une de mes œuvres préférées malgré les difficultés de choix de la version, des instruments, etc. Et avec sa force musicale, elle est tout à fait appropriée à une tournée internationale plus longue.
Vous êtes également le fondateur du département de musique ancienne de l'Université des Arts de Tokyo. Que pensez-vous de la jeune génération japonaise et de son rapport à la musique ancienne ?
La situation au Japon est bien meilleure que ce à quoi je m’attendais. Beaucoup de jeunes musiciens sont très actifs et créatifs. Et j'espère qu'ils iront encore plus loin en termes de répertoires et de style d'activités, afin de cultiver davantage le public potentiel au Japon. Bien que j’aie quitté mon poste à l’Université en 2010, je constate toujours ce même dynamisme.
En concert :
Masaaki Suzuki et le Bach Collegium Japan seront en tournée en Europe avec des étapes à Bruxelles le 21 mars à Bozar dans le cadre du Klara Festival et à Paris au Théâtre des Champs-Elysées le 23 mars.
Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot
Crédits photographiques : Marco Borggreve
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