Michieletto-Franklin : un ticket accrocheur pour un Rossini brillant

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La Scala di seta à Liège
La carrière de Rossini s'envola définitivement en 1813, avec les créations respectives de Tancredi et de L'Italiana in Algeri. Ces succès arrivaient après deux opéras sérieux et non moins de sept "farse", petits actes burlesques pour quelques chanteurs, et sans choeur. Parmi ceux-ci, La Scala di seta (1812) n'est demeurée connue que par son ouverture, alors que toute l'oeuvre s'avère aussi pétillante. C'est ce qu'un public ravi a pu constater lors de  cette nouvelle production de l'Opéra Royal de Wallonie, maison à qui Rossini a toujours porté bonheur (rappelons, par exemple, l'exquise Gazzetta de 2014, ou la récente reprise d'Il Barbiere di Siviglia.) Durant l'ouverture, un architecte et ses employés apportent meubles, accessoires et... personnages sur un large plancher de maison, reflété au-dessus de la scène, en manière telle que le spectateur peut suivre l'action de face ou de haut. Tout est installé, les chanteurs sont prêts, l'ouverture se termine : l'opéra peut commencer. Idée brillante du metteur en scène italien Damiano Michieletto (réalisée par Silvia Paoli) qui nous avait déjà éblouis dans L'Elisir d'amore de La Monnaie en septembre dernier. Bien sûr, cette manière d'aborder une intrigue mouvementée comme celle de ces "farces" rossiniennes exige une direction d'acteurs serrée, car le moindre mouvement est soumis comme en miroir à l'oeil du public. Pas de soucis ici : les chanteurs étaient tous bons acteurs (les hommes), voire excellents (les dames). De toute façon, il y avait tant à voir que l'action passait presque au second plan. Le chef américain Christopher Franklin, très familier du répertoire rossinien, tenait son petit monde d'une baguette ferme, créant cette alacrité  que l'on aime tant retrouver chez le maître de Pesaro. Un grand bravo à l'orchestre maison, aux cordes... soyeuses, et aux vents virtuoses (le cor lors de la strette de l'air de Germano), et aussi au clavecin de Sylvain Bousquet pour des récitatifs souvent amusés. La Giulia légèrement acidulée de Maria Mudryak, soprano kazakhe de 21 ans, a fort impressionné, tant dans l'élégie que dans la vivacité des ensembles (son duo avec Germano, le quatuor). Presque aussi jeune (26 ans), le ténor roumain Ioan Hotea a aussi bien gravi les notes parfois périlleuses de sa partie que les échelons de soie pour pénétrer dans la chambre de son aimée. Rôle de composition, donc rôle en or, le serviteur ahuri a trouvé en Filippo Fontana un interprète idéal. Moins bien servie par la partition, la Lucilla de Julie Bailly s'est bien amusée dans son seul air "Sento talor nell'anima " : son talent théâtral a suscité un grand éclat de rire du public. Laurent Kubla, plus à l'aise que d'habitude, a campé un noble Blansac, bien chantant. Federico Butazzo complétait la distribution par un Dormont plus anecdotique. Et tout ce petit monde est venu chanter la moralité dans un joyeux sextuor final : tout est bien qui finit bien !
Bruno Peeters
Liège, Opéra Royal de Wallonie, le 13 mars 2016

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