Moritz Moskowski n'a pas composé que pour le piano

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Moritz MOSZKOWSKI (1854-1925) : Prélude et Fugue pour orchestre à cordes op. 85 ; Concerto pour violon et orchestre op. 30 ; Cinq Danses espagnoles op. 12, transcription (auteur inconnu) pour deux violons, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, clarinette et piano. Marcin Danilewski, violon ; West Side Sinfonietta ; Pawel Maslanka, Marcin Danilewsli et Agnieszka Weiner, direction. 2020. Livret en polonais et en anglais. 64.30. Accord ACD 263-2/NFM 67.

En avril dernier, nous avions présenté un CD de pièces pianistiques de Moritz Moszkowski, interprétées avec brio par la Japonaise Etsuko Hirose (Danacord DACOD 866). A cette occasion, nous avions signalé que le répertoire symphonique du compositeur était sous- représenté, même si l’on peut en découvrir l’un ou l’autre aspect chez Naxos, Hypérion, Onyx ou Toccata (ce dernier label a entamé récemment une série orchestrale, qui débute par le poème symphonique Jeanne d’Arc). Nous ne détaillerons plus la biographie de Moszkowski, né en 1854 à Breslau (actuelle Wroclaw), pianiste-virtuose qui accomplit une carrière internationale et fut un pédagogue réputé. Wanda Landowska, Joaquin Turina ou Vlado Perlemuter ont compté au nombre de ses élèves. Sa fin de carrière a été difficile : confronté à son divorce avec la sœur de Cécile Chaminade, au décès de sa fille à l’âge de 17 ans et à des difficultés financières, il est mort à Paris en 1925. Touchés par sa situation, plusieurs pianistes avaient donné un concert solidaire en sa faveur au Carnegie Hall un an avant sa disparition. 

C’est de Pologne que nous vient un disque de pages enregistrées en mai 2019 au Forum Musical Witold Lutoslawski de Wroclaw. Il présente le visage d’un Moszkowski imprégné de romantisme, dans des partitions aux charmantes couleurs mélodiques. La notice, plutôt centrée sur des aspects biographiques ou anecdotiques, est peu prolixe en détails les concernant. Le programme s’ouvre par le Prélude et Fugue pour cordes, une page d’un peu plus de onze minutes qui date de 1910. C’est une jolie partition, aux contours sentimentaux et douloureux, qui laisse les cordes se déployer dans un contexte élégiaque. Saut en arrière dans le temps pour le Concerto pour violon op. 30, créé à Leipzig en 1883. Moszkowski n’était pas seulement un virtuose du piano, il maniait aussi l’archet qu’il pratiqua longtemps, en qualité de premier violon, dans l’orchestre de la Kullak Neue Akademie de Berlin où il enseigna pendant plus de vingt ans. En 1890, il présentait ce concerto au public de Varsovie en dirigeant lui-même l’orchestre. Le compositeur plonge l’auditeur en plein romantisme, avec des thèmes épurés et bucoliques bien construits qui s’épanouissent dans un Allegro comodo initial enlevé par le soliste, Marcin Danilewski, né en 1986, lauréat de plusieurs compétitions dont le Concours Tchaïkowski. Un Andante très lyrique, au cours duquel le violon s’épanche avec nostalgie et émotion, est bien mis en évidence par Danilewski. Le Vivace final se déroule dans un bel élan, majestueux et solennel. Le soliste, que la prise de son n’avantage pas toujours, est accompagné par le West Side Sinfonietta qui regroupe des musiciens de deux Philharmonies, de Wroclaw et de Szczecin, d’habitude menés par les konzermeister, Marcin Danilewski, notre soliste, et Pawel Maslanka. Tous deux sont d’ailleurs les animateurs du Prélude et Fugue. Le Concerto pour violon est dirigé ici par Agnieszka Kreiner, qui a étudié avec Igor Markévitch, a dirigé l’Opéra Wiekel de Varsovie au cours des années 1982-1992 et est depuis 2004 à la tête d’une phalange de Zakopane. Le geste de Kreiner est plus routinier qu’inspiré, avec des pertes de tension. En 2004, la vibrante Anglaise Tasmin Little avait donné sa version du concerto chez Hypérion, avec le BBC Scottish et Martyn Brabbins à la direction. Nous préférons cette vision britannique, plus engagée, plus fougueuse aussi et, sur le plan orchestral, plus intense. 

Les Cinq Danses espagnoles op. 12 de 1876 complètent cet album. Primitivement destinées au piano, elles ont connu des adaptations diverses pour instruments variés, deux d’entre elles ayant été orchestrées par Philipp Scharwenka. Huit solistes du West Side Sinfonietta en proposent un arrangement dont l’auteur est inconnu. Ces courtes pages célèbres retrouvent dès lors un parfum évocateur grâce à l’alliance subtile de la flûte et de la clarinette avec les cordes et le piano dans un climat entraînant. Un CD de musique romantique qui se révèle intéressant, sans être de premier rayon. 

Son : 8  Livret : 7  Répertoire : 8  Interprétation : 7

Jean Lacroix

 

 

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