Musiques en parallèles avec Oriana  Masternak et Justyna Danczowska

par

PARALLELS. Wolfgang Amadeus Mozart (1756 - 1791) : Sonate en Sol Majeur pour piano et violon, KV 301/293a (1778) ; Maurice Ravel (1875 - 1937) : Sonate posthume pour Violon et Piano (1897) ;  Józef Elsner (1769 - 1854) : Sonata in F Major op. 10 No. 1 pour piano et violon (1805) ;  Karol Szymanowski (1882 - 1937) Danse du ballet „Harnasie” pour violon et piano (1932) ;  Aleksander Tansman (1897 - 1986) :  Cinq pièces pour violon avec accompagnement de piano ou de petit orchestre (1930) : Toccata. Chanson et Boîte à Musique, Mouvement perpétuel, Aria, Basso ostinato.  Oriana  Masternak, violon ;  Justyna Danczowska, piano. 2021. Livret en polonais et anglais. DUX 1719. 

Ce CD raconte l'histoire de deux interprètes de tout premier plan, créatives et délicates qui nous présentent un répertoire imaginatif et dont la découverte/re-découverte est sincèrement agréable pour ne pas dire indispensable. Mais leur l'effort n'est qu'un demi-succès car... l'esthétique de la prise de son est à déplorer. Entendons-nous : cela sonne propre, brillant et transparent. Hélas, car les micros sont tellement rapprochés des sources sonores que nous n'avons aucune idée de l'atmosphère de la salle où cela fut enregistré. Du coup, tout droit à la rêverie est tronqué par un flux sonore trop envahissant, par un piano que couvre presque le violon, alors que Danzcowsca fait des nuances à foison et que Masternak manie son archet avec autant de délicatesse que d'autorité. De nos jours, les systèmes d'enregistrement sont devenus tellement sophistiqués, les micros si sensibles et les dynamiques si performantes que l'auditeur a du mal à comprendre ce besoin d'éclat gratuit. Il fut un temps où Menuhin jouait dans le creux du piano grand ouvert car il disait se sentir imprégné par l'harmonie et par le flux sonore du piano. Ce n'est malheureusement pas le cas ici : le résultat sonne artificiel, clinquant...

L'idée de ces jeunes artistes a été de juxtaposer de la musique polonaise avec celle contemporaine des autres pays d'Europe. Ce qui nous permet d'apprécier le talent de Józef Elsner, d’une bonne dizaine d'années plus jeune que Mozart et qui séjourna un certain temps à Vienne. D'où sa familiarité stylistique avec Haydn et Mozart. Sa musique est empreinte d'élégance, de fraîcheur et de gaité, on l'écoute avec un vrai plaisir. La Sonate posthume fut écrite par Ravel en 1897, qui la joua avec George Enescu pendant ses études au Conservatoire de Paris dans la classe de Gabriel Fauré. Plus fin de siècle que la deuxième, la seule dont il accepta la publication avec ses réminiscences du jazz, est une œuvre remarquable, tout comme ces interprètes : raffinées et éloquentes. Harnasie est un extrait de la Suite d'orchestre de ce ballet homonyme de Szymanowski arrangé par Paul Kochanski pour violon et piano, en beau parallèle avec le Ravel novice. Mais c'est dans les cinq pièces de Aleksandre Tansman qu'on trouve le meilleur du CD et de ses artistes : ce langage est pour elles d'un naturel et d'une spontanéité remarquables et, du coup, on se demande pourquoi elles sont si rarement jouées, alors qu'elles furent créées au Carnegie Hall new-yorkais en 1930 par le célèbre Joseph Szigeti. Leurs réminiscences du folklore ou néoclassiques les rapprochent de Strawinsky ou Poulenc et dans cet univers, nos deux jeunes polonaises donnent l'aspect le plus personnel de leur palette sonore et expressive.

Oriana Masternak, qui joue avec un vénérable violon construit par Sebastien Lang en 1778, fait partie du Quatuor Messages, avec lequel elle a enregistré des œuvres des Polonais Panufnik, Moniuszko, Penderecki ou Karałow's. Justyna Danczowska a enregistré avec sa mère, la célèbre violiniste Kaja Danczowska. Entre autres, elle a suivi l'enseignement de Kristian Zimmermann. Du beau monde...

Son 4- Livret 9- Répertoire 9- Interprétation 9

Xavier Rivera

 

 

 

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