Notre-Dame sans Cochereau : écho de quatre concerts des années 1970

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Dans le cadre des auditions d’orgue du dimanche, ont joué à Notre-Dame de Paris. Nicolas de Grigny (1672-1703) : Ave Maris Stella. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Passacaille et Fugue en do mineur BWV 582. Louis Vierne (1870-1937) : Allegro [Symphonie no 2 en mi mineur Op. 20]. Charles Tournemire (1870-1939) : Paraphrase-Carillon [Office de l'Assomption]. Maurice Duruflé (1902-1986) : Suite Op. 5. Olivier Messiaen (1908-1992) : Transports de Joie [L’Ascension]. György Ligeti (1923-2006) : Volumina. Michel Chapuis, André Isoir, Odile Pierre, Xavier Darasse, orgue de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Février 1971 à avril 1979 ; édition 2024. Livret en français et anglais. TT 77’01’’. FY Solstice SOCD 413

Près de 750 récitals le dimanche après-midi à Notre-Dame entre les années 1968 et 1985. Branchés dès la répétition la veille au soir pour éviter les avaries du live et les bruyants inconvénients du public, les micros de François Carbou étaient là ! On ne manquera pas les captivants souvenirs qu’il partage dans la notice, lui à qui Pierre Cochereau avait confié la tâche d’accueillir ces organistes venus du monde entier. On imagine la gageure d’explorer toutes ces archives pour en tirer un échantillon représentatif. Structuré par ordre chronologique des compositeurs, de Grigny à Ligeti, le programme s’avère fidèle au répertoire abordé lors de ces concerts, si l’on considère que Bach, Vierne, Messiaen et Duruflé comptèrent parmi le top ten des plus souvent joués à ces occasions. Parmi la trentaine de nationalités qui défilèrent à la console, cette anthologie s’est bornée à quatre grands interprètes français, tous nés au début des années 1930, et enregistrés dans la décennie 1970. Inépuisable mine de renseignements et de contextualisation, le livret de Michel Roubinet dresse leur portrait et situe ces témoignages dans leur carrière, leur discographie.

Alors que Xavier Darasse, dont le destin de concertiste fut tragiquement abrégé, ne joua qu’à deux reprises dans la cathédrale, y attestant toutefois son éclectisme, Odile Pierre y fut régulièrement invitée. Ce qui offrit à celle-ci l’opportunité de graver d’une traite la Suite de Duruflé (son maître en Harmonie au Conservatoire), qu’elle ne réenregistra que partiellement sur trois différents CD. Michel Chapuis était tout aussi habitué des lieux, dont il avait tenu l’orgue de chœur de 1954 à 1963. Buxtehude revint chaque fois au menu de ses apparitions dominicales à la tribune, parallèlement à l’intégrale qu’il confia au label Auvidis sur des instruments certes plus idiomatiques. On aurait aimé en entendre un écho, mais c’est l’hymne à la Vierge du Rémois qui a été retenue, ainsi que la grandiose Passacaille du Cantor de Leipzig.

On n’hésitera guère à placer au sommet du présent album la contribution d’André Isoir, qui complète sa discographie officielle par son unique incursion dans l’Allegro de la seconde Symphonie de Vierne (avec quel brio !), et par cette Paraphrase-Carillon de Tournemire qui, mieux encore que dans son autre enregistrement à Pithiviers, rayonne de ferveur. Sachant que Transports de Joie reste le seul témoin de Xavier Darasse dans le catalogue messiaenesque et que l’ahurissant Volumina, créé à Brême en 1961, venait à peine de souffler ses dix bougies, on mesurera combien ce CD recèle de curiosités et de trésors. La qualité sonore n’en est pas toujours avenante mais le Cavaillé-Coll, alors revu par Robert Boisseau, révèle de quoi il était capable quand il était confié à des hôtes aussi inspirés. On ne doute pas que le fonds préservé par Solstice recèle d’autres pépites, –on les convoitera avec le même intérêt que cette admirable exhumation patrimoniale.

Christophe Steyne

Son : 7 – Livret : 10 – Répertoire : 8-10 – Interprétation : 10

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