Octobre  pianistique avec Rachmaninov à l'OPMC

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L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo a programmé l'intégrale des concertos pour piano et plusieurs œuvres symphoniques à l'occasion du 150ème anniversaire de la naissance de Serge Rachmaninov avec la venue de deux grands pianistes Evgeny Kissin et Francesco Piemontesi.

Evgeny Kissin devait déjà interpréter l'année passée ce concerto, mais suite à une tendinite il a dû le remplacer par un concerto de Mozart moins exigeant.  L'artiste revient cette année en très grande forme pour ce RACH3 et la salle est comble, tous les billets ont été vendus. Kissin prend le premier mouvement dans un tempo très mesuré, nettement plus lent que la plupart des interprètes, ce qui lui permet d'assurer une continuité de tempo entre les différents épisodes. La progression dramatique de l'interprétation est magnifique. Le finale est chargé de toute l'énergie accumulée précédemment, c'est un feu d'artifice de virtuosité époustouflant. La clarté architecturale, un jeu raffiné des lignes et la lumière toujours changeante. Son interprétation est noble et sublime, héroïque et déchirante. Elle traverse votre âme dans sa pureté cristalline et son intensité passionnée. On écoute la musique d'un compositeur de génie, par celle d'un pianiste de génie. Le dialogue avec l'OPMC et Kazuki Yamada est en parfait accord C'est un triomphe et Kissin offre en bis la “Mélodie” et la “Sérénade” extraits des Morceaux de fantaisie de Rachmaninov. 

Après l'entracte on découvre la Symphonie n°3 de Rachmaninov. C'est la première fois qu'elle est jouée à Monte-Carlo. Par ses contours mélodiques et son rythme, c'est sa symphonie russe la plus expressive, en particulier dans les rythmes de danse du finale. Ce qui est étonnant dans cette symphonie c’est sa grande économie d’énonciation par rapport aux deux précédentes. Le style épuré, apparent pour la première fois dans la Rhapsodie sur un thème de Paganini, renforce la puissance émotionnelle de l'œuvre. Que ce soit le trio mélancolique entre cor, violoncelle et clarinette au début de la symphonie, puis l'explosion émotionnelle extatique qui éveille tant d'émotions, ou le deuxième mouvement déchirant avec son beau thème. La virtuosité de tous les instrumentistes est vraiment admirable. Kazuki Yamada est très à l'aise dans ce répertoire évocateur et séduisant pour l’oreille. Il dirige son excellent orchestre à un tempo variable et avec une dynamique artistiquement maîtrisée. 

La semaine suivante, c'est au tour de l'excellent pianiste italo-suisse Francesco Piemontesi d'enchanter le public avec la magnifique Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov. Ce concert est placé sous la direction du chef d'orchestre tchèque Tomáš Netopil, qui a déjà dirigé l'OPMC à plusieurs reprises et il est fort apprécié tant par le public monégasque que par l'orchestre..

Le concert commence avec la  rare ballade pour orchestre L'enfant du violoneux de Leoš Janáček . C'est la première exécution à Monte-Carlo, et c'est une découverte très intéressante. Le son de Leoš Janáček  implique l'utilisation d'éléments mélodiques très courts, qui permettent une sorte de structure musicale au rythme rapide, de textures orchestrales claires et séparées mettant en vedette des solos instrumentaux parfaitement synchronisés, avec parfois des mélanges inhabituels de sonorités orchestrales épurées.  Dans cette œuvre, c'est à ce moment-là que le violoniste apparaît et joue ses mélodies, ce qui rend la partie solo très enrichissante pour le premier violon de l'orchestre. Liza Kerob a un son merveilleux et poignant.  Le chef d’orchestre dirige un OPMC concentré et appliqué.

Francesco Piemontesi est à son affaire dans la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov avec un toucher délicat et fort à la fois qui fait exploser les contrastes des différentes variations.  Ses mains sont flexibles, il leur dit simplement quoi faire : "fort, doucement, vite, lentement" et ces mains le font ! Tomáš Netopil ressent clairement aussi ce morceau de musique magique et l'orchestre est également incroyable.  Le public acclame Piemontesi avec ardeur. Il offre en bis une belle étude peu connue de Karol Szymanowski : l’étude In modo di una Canzone. Le compositeur titre sa pièce dans la tonalité sombre de si bémol mineur.  Les applaudissements reprennent de plus belle et c'est avec le délicieux "Menuet" extrait de la Suite n°1 en si bémol majeur de Haendel que Piemontesi termine sa prestation.

Après l'entracte, Netopil présente la Symphonie n°5 d’Antonín Dvořák.  C’est sans doute l’une des œuvres les plus joyeuses du compositeur que quelques nuages sombres ne parviennent pas à percer. Netopil a une énergie débordante et sait la transmettre aux musiciens faisant ressortir les différents tons de cette partition à la fois pastorale, élégiaque et à l’humeur communicative

Monte-Carlo, Auditorium Rainier III, les 15 et 22 octobre 2023.

Carlo Schreiber

Crédits photographiques : J-L Neuveu

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