L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo a programmé l'intégrale des concertos pour piano et plusieurs œuvres symphoniques à l'occasion du 150ème anniversaire de la naissance de Serge Rachmaninov avec la venue de deux grands pianistes Evgeny Kissin et Francesco Piemontesi.
Evgeny Kissin devait déjà interpréter l'année passée ce concerto, mais suite à une tendinite il a dû le remplacer par un concerto de Mozart moins exigeant. L'artiste revient cette année en très grande forme pour ce RACH3 et la salle est comble, tous les billets ont été vendus. Kissin prend le premier mouvement dans un tempo très mesuré, nettement plus lent que la plupart des interprètes, ce qui lui permet d'assurer une continuité de tempo entre les différents épisodes. La progression dramatique de l'interprétation est magnifique. Le finale est chargé de toute l'énergie accumulée précédemment, c'est un feu d'artifice de virtuosité époustouflant. La clarté architecturale, un jeu raffiné des lignes et la lumière toujours changeante. Son interprétation est noble et sublime, héroïque et déchirante. Elle traverse votre âme dans sa pureté cristalline et son intensité passionnée. On écoute la musique d'un compositeur de génie, par celle d'un pianiste de génie. Le dialogue avec l'OPMC et Kazuki Yamada est en parfait accord C'est un triomphe et Kissin offre en bis la “Mélodie” et la “Sérénade” extraits des Morceaux de fantaisie de Rachmaninov.
Après l'entracte on découvre la Symphonie n°3 de Rachmaninov. C'est la première fois qu'elle est jouée à Monte-Carlo. Par ses contours mélodiques et son rythme, c'est sa symphonie russe la plus expressive, en particulier dans les rythmes de danse du finale. Ce qui est étonnant dans cette symphonie c’est sa grande économie d’énonciation par rapport aux deux précédentes. Le style épuré, apparent pour la première fois dans la Rhapsodie sur un thème de Paganini, renforce la puissance émotionnelle de l'œuvre. Que ce soit le trio mélancolique entre cor, violoncelle et clarinette au début de la symphonie, puis l'explosion émotionnelle extatique qui éveille tant d'émotions, ou le deuxième mouvement déchirant avec son beau thème. La virtuosité de tous les instrumentistes est vraiment admirable. Kazuki Yamada est très à l'aise dans ce répertoire évocateur et séduisant pour l’oreille. Il dirige son excellent orchestre à un tempo variable et avec une dynamique artistiquement maîtrisée.
Maurice Ravel (1875-1937) : Concerto pour piano ;Olivier Messiaen (1908-1992) : Oiseaux exotiques ; Arnold Schoenberg (1874-1954) : Concerto pour piano et orchestre op.42. Francesco Piemontesi, piano. Orchestre de la Suisse Romande, direction : Jonathan Nott 2020-2021.Livret en anglais. 57’11''. Pentatone PTC 5186 949
Pour sa série ‘Les Grands Interprètes’, l’Agence Caecilia invite le pianiste tessinois Francesco Piemontesi que l’on entend régulièrement à Genève depuis une dizaine d’années. Avoisinant la quarantaine, ce natif de Locarno a été élève d’Arie Vardi à Hanovre, tout en se perfectionnant auprès d’Alfred Brendel, Murray Perahia, Cécile Ousset et Alexis Weissenberg. Aujourd’hui, il est au sommet de son art avec une sonorité magnifique et un art du phrasé qui lui permettent de s’imposer dans un répertoire qui sort des sentiers battus.
La preuve nous en a été donnée le lundi 25 avril au Victoria Hall par un programme Bach-Schubert comportant d’abord six pages du Cantor de Leipzig, dont trois pour orgue transcrites par Ferruccio Busoni. Il commence par le Prélude en mi bémol majeur BWV 552 dont il tire de puissants accords avant d’élaborer un discours très libre qui recherche les contrastes d’éclairage dans une polyphonie complexe qu’il clarifie par un usage parcimonieux de la pédale de droite. Et la Fugue qui sera placée en fin de première partie nous montrera qu’il s’écoute beaucoup en cultivant la précision du trait tout en s’appuyant sur la profondeur des basses. Le Choral Nun komm der Heiden Heiland BWV 659 impressionne par sa sonorité d’outre-tombe voilant une douleur lancinante. Dans une transcription de Wilhelm Kempff, il présente aussi un autre choral, Wachet auf, ruft uns die Stimme BWV 645 qu’il développe comme un andante sollicitant largement l’appui de la main gauche, alors que la Sicilienne de la Sonate pour flûte et clavecin en mi bémol majeur BWV 1031 est irisée d’infimes nuances qui enrobent l’ornementation limpide. Mais au cœur de ces pièces, il inscrit une page originale pour clavecin, le Concerto italien en fa majeur BWV 971 dont il déroule l’écheveau contrapuntique avec une nonchalance brillante qui laisse toutefois affleurer les voix intérieures dans l’Andante médian.
Pour commencer cette semaine, rendez-vous à Francfort avec l'orchestre radiosymphonique de la Hesse ( Hr-Sinfonieorchester) sous la direction d'Alain Altinoglu avec la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt dans sa superbe (mais si rare) version originale ! Un grand moment de musique.
Dans ce même programme, Alain Altinoglu dirige les Gymnopédies n°1 et n°3 d'Erik Satie dans l'orchestration de Claude Debussy.
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concertos pour piano no 19 en fa majeur K. 459 et no 27 en si bémol majeur K. 595. Rondo en la majeur K. 386.Francesco Piemontesi, piano. Andrew Manze, Orchestre de Chambre d’Écosse. Mars 2019. Livret en anglais, français, allemand. Linn CKD 622
Le pianiste Francesco Piemontesi, 3e Prix au Concours Reine Elisabeth 2008, poursuit une carrière exemplaire. Alors qu’il sort un album magistral de concertos de Mozart sous la direction d’Andrew Manze (Linn), il vient de faire ses débuts avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Crescendo rencontre ce pianiste érudit dont chacun des albums fait date.
Vous venez de faire vos débuts avec l'Orchestre Philharmonique de Berlin sous la direction de Lahav Shani. Qu'est-ce que cela représente de jouer avec un tel orchestre ?
C'était quelque chose de magnifique à plusieurs points de vue ! C'est l'orchestre avec lequel j'avais grandi en écoutant des disques chez mes parents : leurs enregistrements sous la direction de Karajan ou Furtwangler ont façonné ma jeunesse. De plus, jouer avec cet orchestre, c’est un symbole fort dans une carrière de musicien et cela m’a montré que tous les choix que j’avais faits étaient les bons. Mais le plus important est bien sûr la musique, et à ce titre c’était un bonheur extraordinaire tant ces musiciens sont exceptionnels dans leur excellente technique et leur capacité à jouer toutes les musiques. Ces concerts ont été quelque chose de très spécial et je me réjouis qu’ils se soient très bien passés.
Vous habitez Berlin et le Philharmonique est le plus important orchestre de cette ville. Est-ce-qu’il n’y a pas un petit quelque chose en plus quand on joue avec les Berliner Philharmoniker ?
En effet ! Dans la rue où j'habite, il y a des musiciens de l'orchestre et cela a un côté particulier : c'est presque faire de la musique de chambre car je les connais très bien ! C'est l'avantage d'habiter dans une ville comme Berlin qui est actuellement la capitale en Europe pour la musique classique. Aller à la Philharmonie, c’est un acte très ordinaire. Ces éléments ont fait que j’avais assez peu de tract et si tout s’est parfaitement déroulé, c’est sans doute grâce à cette addition de naturel et d’évidence de « jouer à la maison ».
Pour cette saison 2020-2021, l’Orchestre de la Suisse Romande invite en tant qu’artiste en résidence le pianiste Francesco Piemontesi qui se produira, au cours de ces prochains mois, dans quatre programmes différents. Natif de Locarno, élève d’Arie Vardi à Hanovre, il s’est fait un nom sur la scène internationale en remportant divers prix, dont le 3e au Concours Reine Elisabeth en 2007. D’allure sympathique, sourire aux lèvres, il entre sur la scène du Victoria Hall le 7 octobre pour dialoguer avec la formation lémanique placée sous la direction de Daniel Harding qui, au pied levé, remplace Constantinos Carydis, contraint d’annuler sa participation.