Offenbach en brique !

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Jacques OFFENBACH (1819-1880) : Opéras, opéras bouffes, opéras comiques, opéra fantastique, opérettes et airs variés : Ba-ta-clan, Les Bavards, Orphée aux enfers, La Belle Hélène, La Vie parisienne, La Fille du Tambour-major, La Grande-duchesse de Gérolstein, La Périchole, Les Brigands, Pomme d’Api, Monsieur Choufleuri, Mesdames de la Halle, Les Contes d’Hoffmann. Airs divers, Gaîté Parisienne, 6 Fables de la Fontaine. John ALER, Colette ALLIOT-LUGAZ, Gabriel BACQUIER, Marco BAKKER, Teresa BERGANZA, Huguette BOULANGEOT, José CARRERAS, Liliane CHATEL, Régine CRESPIN, Dietrich FISCHER-DIESKAU, Nicolai GEDDA, Renate HOLM, Siegfried JERUSALEM, Benno KUSCHE, Jean-Philippe LAFONT, François LE ROUX,Eliane LUBIN, Alexander MALTA, Mady MESPLE, Ann MURRAY, Jessye NORMAN, Félix NUVOLONE, Ghislaine RAPHANEL, Anneliese ROTHENBERGER, Niel SCHICOFF, Jeanette SCOVOTTI, Michel SENECHAL,  René TERRASSON, Michel TREMPONT, José VAN DAM, Giorgia TOMASSI, Carlo Maria GRIGUOLI, Alessandro STELLA.30 CD- livret français anglais allemand- pas de texte- chanté en français ou allemand- Warner Classics- The Operas & Operettas Collection.

Nul n’ignore que l’année 2019 célèbre le bicentenaire de la naissance de Jacques Offenbach. Voici donc un coffret de trente disques destiné à lui rendre hommage. Un élixir de bonne humeur versé par les divinités de l’opéra comique mais aussi un art de circonstance difficile à figer dans un enregistrement. Sans entrer dans des querelles d’entomologistes pour classer la prolifique invention musicale d’Offenbach en « chinoiserie », opéra comique, opérette, opéra bouffe ou fantastique selon le goût de l’époque, les contraintes administratives infligées aux Théâtres ou la fantaisie de l’auteur, il faut souligner, avant tout, cette osmose extraordinaire entre des librettistes, une époque et le génie musical de Jacques Offenbach.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, nous ne sommes pas en présence d’une anthologie. Ce qui n’aurait que peu de sens, il est vrai, compte tenu des procédés classiques de recyclages et d’imitations dont Offenbach usa généreusement. Au point que Claude Debussy, alias Mr Croche, le traita peu aimablement de « musicien dont le bizarre génie était composé de haine particulière pour la musique et de transcendantale ironie » ! C’est précisément cette étrangeté qui s’exprime dans les Contes d’Hoffmann cette fois ouvertement placés sous le signe du Romantisme germanique et de sa prolixité (alors que Debussy aspirait à la clarté et la concision !). Cinq disques sont consacrés à la fastueuse version Cambreling de la Monnaie (1988) et à celle de Munich, en langue allemande (1979). Neil Schicoff et Siegfried Jerusalem se consument dans le rôle du poète, Julia Varady dans celui d’Antonia (Rosalind Plowright pour la version française) tandis que Jessye Norman et Norma Sharp incarnent la courtisane Giuletta ; l’Acte vénitien étant placé au IIe acte dans la version munichoise écourtée ; José van Dam y offre des incarnations diaboliques mémorables (Coppélius/ Miracle / Dapertutto), à dix ans d’intervalle, aussi superbes en français qu’en allemand, tandis que la grande mezzo Jocelyne Taillon déverse des torrents d’émotion (la Mère d’Antonia) dans la version francophone.

Les affinités heureuses entre la musique d’Offenbach et le goût allemand -mais on aurait pu faire la même expérience avec des enregistrements de langue anglaise puisque les œuvres d’Offenbach traversèrent immédiatement la Manche et l’Alantique- se traduisent dans ce coffret avec les doubles versions chantées et parlées dans la langue de Goethe (Orpheus in der Unterwelt, Die schöne Helena, Pariser Leben, Die Grossherzogin von Gerolstein et Hoffmanns Erzählungen ). En dépit de la qualité de diction et d’esprit, même avec coupures, le tout « sonne » un peu étrangement à nos oreilles.

Placés en tête, le Ba-ta-clan et les Bavards dirigées par Marcel Couraud séduisent par leur fraîcheur. Ces deux savoureuses petites pièces témoignent du «naturel» d’Offenbach. Plus tard, les galops, strettes et autres feux d’artifices iront en s’échauffant (tel l’Acte I des Brigands, le «Chœur des Carabiners» se concluant sur une strette déchaînée, directement issue -comme presque toujours- de chez Rossini, épicée de Bal Musard ou Mabille) ou encore le «Lâchez tout» de La Vie parisienne sans oublier le fameux «Galop infernal» de la fin de l’Acte III d’Orphée aux Enfers. Autre témoignage des débuts : Les Fables de La Fontaine placées en fin de coffret (confiées au tonique et subtil «diseur» François Le Roux) datent, elles, de 1840 alors qu’ Offenbach aborde sa vingtième année. On regrettera l’absence d’incursions du côté du Moine bourru (duo bouffe 1843) ou de Citrouillard au désert (parodie de 1846) et de ce Pépito de 1853 qui préfigure si bien les pages à venir (J.P. Biojout). De même, il aurait été intéressant de découvrir certaines des distributions originales ; parmi maints exemples, citons Pomme D’Api où le rôle du neveu Gustave était destiné à une soprano travestie.

L’amoureuse direction de Michel Plasson fait particulièrement honneur à un Orphée aux Enfers qui réunit Jane Rhodes, Michel Sénéchal, Jean-Philippe Lafont, Michel Trempont ou encore Jane Berbié, ainsi qu’à une Belle Hélène (où on aurait aussi apprécié la version avec Felicity Lott) et une formidable Vie Parisienne où brille Régine Crespin. Ajoutons une Périchole en demi-teintes où Teresa Berganza et José Carreras côtoient Gabriel Bacquier. La soprano Mady Mesplé est de toutes les fêtes ; sa sûreté fait merveille à défaut de rondeur de timbre. En extraits seulement (sans qu’on en sache la raison), la Fille du Tambour-Major et La Grande-Duchesse de Gérolstein sont dirigées par Jean-Pierre Marty. Les enregistrements des Brigands, Pomme d’Api et Monsieur Choufleuri sont eux aussi contemporains du retour en faveur d’Offenbach dans les années 1980. Mesdames de la Halle ne brillent guère par leur distinction en dépit de la présence au pupitre de Manuel Rosenthal, souverain lorsqu’il conduit «sa» Gaîté Parisienne. Les arrangements pour trois pianos seront tout à fait à leur place dans les Casinos et Villes d’Eau. Enfin, l’avant-dernier disque célèbre l’incandescente Jane Rhodes dirigée par son mari, Roberto Benzi.

Selon les goûts, on trouvera donc des trésors, des références, des longueurs et des ombres.

Mais, dans le style exquis et suranné, nos préférences iront au Ba-ta-clan (1966), et dans celui de la virtuosité parodique, à Monsieur Choufleuri (1982).

 Bénédicte Palaux Simonnet

 

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