Maurice Ravel (1875-1937) : Vocalise-étude en forme de habanera, Jeux d’eau, Sonatine, Miroirs, gaspard de la nuit, Sonate pour violon et violoncelle, Valses nobles et sentimentales,Sonate pour violon et piano n°2, Le Tombeau de Couperin. Julien Libeer, piano ; Lorenzo Gatto, violon ; Bruno Philippe, violoncelle. 2025. Textes de présentation en français, anglais et allemand. 133’50''. Harmonia mundi HMM 902761.63
Short Stories in London. Joel Puckett (°1977) : There Was a Child Went Forth, pour ténor et orchestre de chambre ; Concerto pour trompette ; Short Stories, concerto grosso pour quatuor à cordes et orchestre. Nicholas Phan, ténor ; Sean Jones, trompette ; London Symphony Orchestra, direction Joseph Young. 2024. Notice en anglais, en allemand et en français. 60’ 09’’. Avie AV2751.
Visiting Rachmaninov. Serge Rachmaninov (1873-1943) : Variations sur un thème de Chopin, Op. 22, Sélection de 22 Romances tirées des Op. 21, 25 et 34. Alexander Melnikov, piano et Ioulia Lejneva, soprano. 2025. Textes de présentation en français, anglais et allemand. 73’45’’. Harmonia mundi HMM 902751
Queen of Hearts. Œuvres d’Antoine Brumel (c1460-c1512), Josquin des Prez (c1450-1521), Loyset Compère (c1445-1518), Pierre de La Rue (c1458-1518), Constanzo Festa (c1485-1545), Owain Park (*1993), Antonius Divitis (c1470-c1530), Johannes Prioris (fl1485-1512), Jean Mouton (c1459-1522), Jean Lhéritier (c1480-p1551), Ninfea Cruttwell-Reade (*1989), Antoine de Févin (c1470-c1511), Nicolas Gombert (c1495-c1560), Jacobus Clemens non Papa (c1510-c1555). Owain Park, The Gesualdo Six. Guy James, Alasdair Austin, contre-ténor. Joseph Wicks, Josh Cooper, ténor. Michael Craddock, baryton. Samuel Mitchell, Owain Park, basses. Juin 2023.Livret en anglais ; paroles traduites en anglais. 66’47’’. Hyperion CDA68453
Hymne à la Vierge. Œuvres d’Igor Stravinsky (1882-1971), Neil Cox (*1955), Henryk Mikołaj Górecki (1933-2010), Tomás Luis de Victoria (c1548-1611), Antoine Brumel (c1460-c1512), Judith Bingam (*1952), Owain Park (*1993), Edvard Grieg (1843-1907), Hildegard von Bingen (1098-1179), William Byrd (1540-1623), Joanna Ward (*1998), John Tavener (1944-2013), Pierre Villette (1926-1998), anonymes. Owain Park, Ensemble La Sportelle. Marie-Josée Matar, Armelle Cardot, soprano. Maëlle Javelot, Amalia Lambel, alto. Matthias Deau, Richard Golian, ténor. Thierry Cartier, Noé Chapolard, Xavier Margueritat, basse. Mars 2025.Livret en français, anglais ; paroles en traduites en français, anglais. 54’19’’. Rocamadour # 11
On ne reprochera pas à Sylvia Huang, violoniste justement appréciée du public bruxellois depuis sa brillante place de finaliste du Concours Reine Elisabeth en 2019 et actuellement Konzertmeisterin de La Monnaie, et au pianiste Boris Kusnezow d’avoir mis à profit leur récital à Flagey pour présenter dans un concert sans entracte d’un peu plus d’une heure le programme de leur nouvel album intitulé Ode to Mother Nature (paru chez Fuga Libera) et d’avoir offert au public remplissant jusqu’au dernier siège du Studio 1 du paquebot des Étangs d’Ixelles un choix d’oeuvres placées sous le signe des saisons changeantes et d’une nature toujours frémissante.
C’est avec une très subtile interprétation de D’un matin de printemps de Lili Boulanger, cette compositrice si douée et fauchée bien trop tôt par la maladie, que Sylvia Huang -qui présente d’ailleurs chaque morceau en anglais (ça fait plus international)- et son excellent partenaire Boris Kusnezow, qu’on félicitera d’avoir réussi à parfaitement maîtriser l’acoustique très réverbérante du Studio 1, font preuve de la finesse et de la pudeur que cette brève oeuvre requiert. Suit la méconnue Première sonate pour violon et piano « Printemps » de Dora Pejačević (1885-1923), cette compositrice croate de grand talent qu’on redécouvre depuis peu. Sylvia Huang adopte à présent un son plus opulent et un phrasé plus généreux dans cette oeuvre d’un romantisme élégant et sans lourdeur d’une compositrice à l’impressionnant don mélodique (on pense par moments aussi bien à Mendelssohn qu’à Saint-Saëns). Quant à Kusnezow, il fait preuve d’une grande aisance dans cette partition qui exige beaucoup du pianiste également. Après un deuxième mouvement solaire, cette belle découverte se termine sur un Finale vif et gai.
Du printemps on passe à l’été, avec les Summer Thoughts du compositeur finlandais Einojuhani Rautavaara. Même si l’été nordique, pensif et méditatif, n’a rien de brûlant, la violoniste déclame la musique de belle façon et avec une impressionnante égalité d’archet.
Quelle meilleure façon de fêter ses quarante ans que de proposer 40 heures de performances, de conférences, de musique et de danse, tous ensemble ? Rebecca Chaillon nous invite à un weekend inédit au Carreau du Temple : du vendredi 31 octobre 16h au dimanche 2 novembre 9h. Un marathon festif, politique et poétique.
Pour une soirée d’anniversaire réussie, il faut…
Une bonne ambiance
Pendant un week-end, le Carreau du Temple est vidé de ses nombreuses activités pour laisser place à l’imagination de Rebecca Chaillon et à celle des artistes invités. Dès lors, nous penetrons dans une nouvelle atmosphère : jeune, queer, souriante et bienveillante. Comme à une soirée d’anniversaire, les groupes se rencontrent et se mêlent dans une joyeuse effervescence, aidée par les espaces pensés pour être “safe” et inclusifs : une personne référente en cas de problème présentée dès l’entrée, des affiches “plus de danseurs moins de frotteurs” placardées, et des zones de “sieste sonore”.
Dès l’ouverture Rebecca nous attend dans sa “chambre” vitrée, mais personne encore n’ose demander d’y entrer. Plus tard auront lieu des conversations et des confidences dans cet espace visible de tous mais pas sonorisé pour tous.
Un peu de spectacle
Durant ces 40h, Rebecca Chaillon a fait le choix d’invoquer ses performances phares aux sujets sensibles, pour les réinvestir : Cannibale, Planning Familial, WhiteWashing sans oublier Le gâteau d’anniversaire. Dans la Daronnerie, elle se livre sans fard sur son envie d’avoir un enfant, et sur son actuel parcours de procréation dans une performance où elle s’implique totalement. Certaines séquences touchent, émeuvent, d’autres déroutent.
Joseph Haydn (1732-1809) : Quatuors à cordes op. 33, « Russes », n° 4 en si bémol majeur, n° 5 en sol majeur et n° 6 en ré majeur. Quatuor Chiaroscuro. 2024. Notice en anglais, en allemand et en français. 57’ 22’’. BIS-2608.
Heureux pianistes dont le répertoire est sans cesse revisité par les éditeurs d’urtext. Pas une note qui leur échappe, pas une parcelle de manuscrit ou d’édition originale qui ne soit passée au crible. Et comme on en redécouvre régulièrement, les nouvelles éditions fleurissent. Mais une question me taraude néanmoins, bien qu’étant moi-même à l’affut du moindre détail qui rapprocherait encore davantage l’interprète du compositeur : qu’en pense l’auditeur ? peut-il vraiment apprécier ces rectifications qui relèvent souvent du détail ?
Ptêt ben qu’oui, ptêt ben qu’non, auraient répondu mes ancêtres les Normands (je ne sais pas s’il y avait un barde parmi eux). Parfois, c’est perceptible, parfois c’est invisible. Certains interprètes, fervents défenseurs de ces nouvelles éditions, s’amuseraient-ils à insister un peu trop sur les variantes et corrections ? Loin de moi une telle idée. Mais le côté invisible n’est pas toujours inodore et sans saveur, car certaines corrections ouvrent les yeux et peuvent modifier l’approche globale. Un seul exemple, les fameux points sur les notes qui ont transformé le jeu beethovénien et schubertien.
Chopin est un puits sans fond pour les musicologues, tant il corrigeait ses éditions en faisant travailler ses élèves. La multiplicité des sources relève parfois du calvaire. On connaît les variantes des différentes valses. Ici, pas de problème, notre auditeur lambda ne pourra pas les rater. Ailleurs, c’est moins évident. Deux éditions récentes de la Sonate en si mineur (la troisième, op. 58) en apportent la preuve. Comme souvent à l’époque, Chopin la fit éditer simultanément à Paris, à Leipzig et à Londres. Mais, compte tenu de l’éloignement, il ne vérifia les épreuves que de l’édition parisienne. C’est pourtant celle de Breitkopf qui allait devenir la source de toutes les éditions ultérieures. Jusqu’à ce que Paul Badura-Skoda mène campagne pour restituer les ultimes volontés de Chopin. Approche concrétisée dans la nouvelle édition Bärenreiter qui intègre à la source Breitkopf les modifications apportées par Chopin. L’édition que propose Henle relève d’un autre choix : Norbert Müllemann considère qu’il serait trop compliqué de superposer les deux sources qui sont proposées séparément dans le même volume. Nul doute que les pianistes vont se précipiter sur ces éditions. Mais laquelle choisir ? Face à un choix si cornélien, une seule réponse : les deux mon général.
Le violoncelliste Gautier Capuçon rend hommage à la terre, avec son nouvel album “Gaïa”. En 17 partitions de 16 compositrices et compositeurs, il alerte sur le réchauffement climatique et ses conséquences. Aventurier de son temps, il emmène son violoncelle sur les hauteurs du Mont Blanc pour témoigner des bouleversements que subit cette montagne de légende, toit de notre Vieux continent. Gautier Capuçon est un artiste engagé qui aime défendre la musique de son temps et aider la jeune génération d'artistes. Crescendo Magazine se réjouit de s'entretenir avec ce très grand musicien.
Un album qui porte le titre de Gaïa, ce n’est pas commun ! Pouvez-vous nous présenter le concept ?
Cet album est en effet dédié à notre planète la terre mais également à la problématique du réchauffement climatique en lien avec les images du Mont-Blanc, montagne qui m’est chère et qui en subit les conséquences de manière spectaculaire.
Les compositeurs et les compositrices présents au programme de cet album expriment leurs liens avec la terre de différentes manières. Certaines œuvres sont plus alarmantes, plus angoissantes et on sent l'inquiétude des conséquences du réchauffement climatique derrière les notes. D'autres sont beaucoup plus lumineuses et célèbrent cette terre. J’avais laissé les compositeurs complètement libres. Les seules indications qu'ils avaient, c'était bien sûr l’instrument à disposition : le violoncelle.
Sur cet album, il y a 17 œuvres de compositrices et compositeurs différents. Comment les avez-vous choisies ?
C'est un projet qui a mis du temps à se construire parce qu'effectivement il y a 17 œuvres de 16 compositrices et compositeurs différents. J’avais vraiment envie de poursuivre cette exploration de la musique, la musique avec un grand “M”, mais avec des compositrices et compositeurs qui viennent d'univers et de genres musicaux différents, donc pas nécessairement des noms que l'on peut rencontrer sur des programmes de concerts de musique classique ou dans des salles traditionnelles.
Personnellement, j’ai le privilège de pouvoir explorer des œuvres de musique très différentes.Ces dernières années, j’ai eu la chance de travailler et de créer des oeuvres de Thierry Escaich, Lera Auerbach, Wolfgang Rihm, Jörg Widmann, Karol Beffa, Qigang Chen, Bryce Dessner, Richard Dubugnon, Philippe Manoury, Bruno Mantovani, Wolfgang Rihm….et c’est pour moi aussi une exploration nouvelle de m’ouvrir à d’autres genres musicaux et c’est infiniment enrichissant.
Il y a des singularités fort différentes mais ce qui les rassemble c'est la musique. La musique représente pour moi des émotions que l'on reçoit en tant qu'auditeur et en tant qu'artiste.
Je pense que, pour toucher un public avec ses émotions, il faut déjà qu'on les ressente en tant qu'artiste. Il faut qu’une œuvre me plaise et me parle avant que je puisse en parler et l'interpréter avec mon cœur et mon âme.
À la lecture des noms, certains de ces créateurs appartiennent à la mouvance New Classical plutôt orientée vers une forme d'easy listening et pas vers l'avant-garde. Cette dernière ne peut-elle pas témoigner des douleurs de la Terre ?
Je pense que chacun a des choses à dire et c'est ce qui fait aussi l'extrême richesse de la musique. Je n'ai pas voulu mettre ces compositrices et compositeurs dans une certaine catégorie. C'est pour ça que j'ai voulu explorer avec un champ très large et les sélectionner par rapport aux émotions que je ressens et non pas par rapport à d'éventuelles catégories.
D'ailleurs, ce sont souvent des commentateurs qui mettent les artistes dans certaines catégories ! Ce n'est certainement pas le compositeur (ou rarement) qui se définit comme appartenant à une certaine catégorie !
Ces artistes ont été sélectionnés pour la musique qu'ils écrivent et pour ces émotions qui sont véhiculées par leur musique.